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LOI N°/04/018 DU30JUILLET 2004 PORTANT ORGANISATION, ATTRIBUTIONS ET FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION VERITE ET RECONCILIATION EXPOSE DES MOTIFS TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES TITRE II : DE LA MISSION, DU CHAMP D’APPLICATION, DES OBJECTIFS ET ATTRIBUTIONS TITRE III : DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT TITRE IV : DE LA PROCEDURE TITRE V : DES IMMUNITES, PRIVILEGES DE JURIDICTION ET INCOMPATIBILITES TITRE VI : DES DISPOSITIONS FINANCIERES ET BUDGETAIRES TITRE VII : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
EXPOSE DES MOTIFS De l’accession de notre pays à l’indépendance, en 1960, jusqu’à la promulgation de la présente loi, l’histoire de la République Démocratique du Congo est marquée par des guerres et des violations massives des droits humains et atrocités de tous genres, dont les victimes se comptent par milliers, sans que les causes n’en soient élucidées ni déterminées. Si les rébellions et les sécessions ont totalisé 500.000 morts, la dernière guerre de cinq ans a totalisé un nombre estimé à plus de trois millions de morts, sans parler du pillage systématique de ses ressources naturelles. Le peuple congolais a ainsi pris la mesure de l’inanité, vanité et nocuité d’hostilités qui peuvent opposer les citoyens d’une même nation. Réuni à travers plusieurs forums politiques, dont notamment la Conférence Nationale Souveraine et le Dialogue inter congolais, le peuple congolais a, cette fois-ci, négocié et signé un accord global et inclusif à Pretoria en République Sud-Africaine, en date du 17 décembre 2002. Par le résolution n° DCI/CPR/04, cet accord prévoit la création de la Commission Vérité et Réconciliation comme l’une des Institutions d’appui à la démocratie pendant la période de transition, et lui confie comme mission de rétablir la vérité et de promouvoir la paix, la justice, la réparation, le pardon et la réconciliation, en vue de consolider l’unité nationale. Considérant que la réconciliation nationale constitue un facteur déterminant pour la paix et la concorde nationale, il sied dès lors que les personnes, les familles, les groupes de personnes, l’Etat congolais, et la Nation tout entière, victimes ou auteurs de crimes et violations des droits humains connaissent et disent la vérité sur ceux-ci et obtiennent réparation. Cette phase de quête de la vérité est la condition majeure pour la création d’un climat harmonieux et confiant dans lequel la réconciliation et la paix prospéreront. Tenant compte des réalités politiques et socio-culturelles congolaises, le travail de la Commission Vérité et Réconciliation ne portera pas sur l’incitation à la vengeance contre les auteurs des crimes mais plutôt se focalisera sur les conséquences de ces violations aussi bien sur les victimes que sur leurs auteurs. Ainsi, la connaissance des faits, la reconnaissance de ceux-ci par les auteurs, la demande et l’acceptation du pardon et une ferme résolution dans leur chef de ne plus jamais recommencer ces actes de barbarie, ainsi que le rétablissement de la dignité et des droits des victimes conduiront à coup sûr à la paix durable et véritable.La Commission aura accompli sa mission quand le respect des droits humains,la culture démocratique et la coexistence pacifique seront perçus par tous comme des droits inaliénables de chaque citoyen. Dans la rédaction de la présente loi articulée en sept titres formulés en cinquante neuf articles, un effort substantiel a été fourni pour traduire suffisamment dans le texte le caractère indépendant, impartial et citoyen de la Commission Vérité et Réconciliation étant entendu que la légitimité de celle-ci tient à son appropriation par la base. La procédure devant la Commission Vérité et Réconciliation y est voulue souple et particulière, c’est-à-dire différente des procédures devant les Cours et Tribunaux, car une telle Commission n’est pas une juridiction. Elle est un cadre de dialogue et de rapprochement des Congolais par la persuasion plutôt que par la contrainte. Un accent particulier a été également mis sur l’aveu, le repentir sincère, le pardon et la franchise. Cette procédure, qui en aucun cas ne peut revêtir un caractère humiliant ou vengeur, a comme objectif la réconciliation matérialisée par le pardon, la réparation à l’amiable, et le cas échéant, par les rites de réconciliation puisés dans le patrimoine culturel congolais. En somme, l’Assemblée Nationale et le Sénat se sont conformés à la Constitution de la transition, spécialement en ses articles 154 à 160, de même qu’à l’esprit de l’accord global et inclusif, spécialement au point III traitant des principes de la transition, en son alinéa 8 ; au point V traitant des Institutions de la transition ; au point 4, alinéas b et c traitant de l’organisation, du fonctionnement et des pouvoirs des Institutions d’appui à la démocratie, ainsi qu’à la résolution n° DIC/CPR/04. L’Assemblée Nationale et le Sénat ont adopté ; La Cour Suprême de Justice a statué ; Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit : TITRE I : DES DISPOSITIONS GENERALES Article 1 er :La Commission Vérité et Réconciliation est instituée par l’article 154 de la Constitution de la transition. Elle est un organisme de droit congolais, autonome, neutre et dotée de la personnalité juridique. Son organisation, ses attributions et son fonctionnement sont déterminés par la présenté loi organique conformément à l’article 160 de la Constitution de la transition. Article 2 : La Commission Vérité et Réconciliation a son siège à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo. Ce siège, de même que les bureaux de représentation dans les provinces, sont inviolables. Article 3 : La Commission Vérité et Réconciliation jouit de l’autonomie administrative, financière, technique et de l’indépendance d’action par rapport aux autres Institutions d’Appui à la Démocratie et aux autres Institutions de la République avec lesquelles elle entretient une franche collaboration. Article 4 : Aux termes de la présente loi, il faut entendre par : Vérité : la manifestation claire et objective de la réalité historique des faits, crimes et violations des droits de l’homme ayant directement ou indirectement, dans la période concernée, causée à une personne ou à un groupe de personnes un préjudice tant moral, physique, social que matériel.Réconciliation : la recherche de tout mécanisme destiné à rétablir la paix, la concorde et l’unité nationale. Cette réconciliation implique dans le chef des auteurs des crimes et violations constatés : reconnaissance des faits, demande de pardon, réparation et réhabilitation tant morales, physiques, civiles que publiques des victimes. TITRE II : DE LA MISSION, DU CHAMP D’APPLICATION, DES OBJECTIFS ET ATTRIBUTIONS Article 5 : La Commission Vérité et Réconciliation a pour mission de rétablir la vérité et de promouvoir la paix, la justice, la réparation, le pardon et la réconciliation, en vue de consolider l’unité nationale. A ce titre, elle assure : - l’accompagnement citoyen de la transition ; - la prévention ou la gestion des conflits en cas de leur survenance, par la médiation entre les communautés déchirées ; - la création d’un espace d’expression entre Congolais : acteurs politiques, économiques, sociaux et culturels pour la consolidation de la paix et de l’unité nationale par la vérité, le pardon, la justice et la réconciliation ; - la recherche de la guérison des traumatismes et le rétablissement de la confiance mutuelle entre congolais. Article 6 : La compétence de la Commission Vérité et Réconciliation s’exerce à l’égard de tous les Congolais, y compris l’Etat congolais, les militaires, les policiers, les agents de sécurité ainsi que les personnes jouissant des immunités de poursuite ou des privilèges de juridiction. Les crimes politiques et les violations des droits de l’homme commis en dehors du territoire national mais en relation avec les conflits politiques de la République Démocratique du Congo relèvent aussi de la Commission Vérité et Réconciliation. La Commission Vérité et Réconciliation connaît des événements survenus ainsi que des crimes et violations des droits de l’homme perpétrés au cours de la période allant du 30 juin 1960 jusqu’à la fin de la transition. Cette période est subdivisée en deux : a) la première allant de 1960 à 1992, à l’examen de laquelle elle actualise et complète les dossiers de la Conférence Nationale Congolaise et se laisse saisir de toute requête individuelle ou collective des victimes ; b) la seconde allant de 1963 à la fin de la transition pour laquelle elle se saisit ou est saisie. Article 7 : Pour réaliser sa mission, la Commission Vérité et Réconciliation poursuit les objectifs suivants : a) consolider l’unité et la cohésion nationales ainsi que la justice sociale ; b) restituer la vérité sur les événements politiques et socio-économiques qui se sont produits en République Démocratique du Congo ; c) réconcilier les acteurs politiques et militaires entre eux d’une part, avec le peuple d’autre part ; et le peuple avec lui-même ; d) contribuer à l’émergence et à la consolidation d’un Etat de droit en République Démocratique du Congo ; e) faire renaître une nouvelle conscience nationale et patriotique ; f) rapprocher les gouvernants des gouvernés ; g) rétablir un climat de confiance mutuelle entre les différentes communautés et encourager la pacifique cohabitation inter-ethnique ; h) faire reconnaître les crimes commis contre la République ; i) faire reconnaître les responsabilités individuelles et collectives des torts et des crimes commis et en faire obtenir réparation ; j) œuvrer à l’éradication du tribalisme, du régionalisme, de l’intolérance, de l’exclusion et le la haine sous toutes les formes. Article 8 : La Commission Vérité et Réconciliation a pour attributions de : a) élaborer son règlement intérieur ; b) recevoir les plaintes, les dénonciations, les aveux des auteurs ou toute déposition des témoins en rapport avec les violations massives des droits humains, particulièrement ceux en rapport avec les viols des femmes et des jeunes filles en période de guerre ; c) enquêter sur la nature, les causes et l’étendue des crimes politiques, des violations massives des droits humains commis tant par les Congolais que par les étrangers contre la nation et/ou les populations congolaises sur le territoire national ou en dehors de celui-ci depuis le 30 juin 1960 jusqu’à la fin de la transition ; d) enquêter sur les événements politiques, socio-économiques et autres ayant perturbé la paix et la justice en République Démocratique du Congo ; e) identifier les auteurs et dégager les responsabilités individuelles et/ou collectives dans l’accomplissement des dits crimes et violations ; f) identifier les victimes et déterminer l’étendue des préjudices subis ; g) rechercher tout mécanisme approprié de protection sollicitée par des personnes entendues qui craignent des conséquences préjudiciables à leur sécurité, suite à leurs dépositions ; h) sous réserve de la loi d’amnistie qui sera votée par l’Assemblée Nationale, proposer à l’autorité compétente l’acceptation ou le rejet de tout requête individuelle ou collective d’amnistie pour les faits de guerre et les infractions politiques et d’opinion ; i) former ses membres aux techniques de résolution et de transformation pacifiques des conflits ; j) capitaliser les acquis de la Conférence Nationale Souveraine et du Dialogue inter-congolais ; k) coopérer avec les autres initiatives nationales, sous-régionales, régionales et internationales poursuivant les mêmes objectifs pour consolider la paix; l) élaborer un rapport complet des activités de la Commission Vérité et Réconciliation sur les résultats obtenus, les mesures proposées et les réformes nécessaires pour prévenir la répétition des violations des droits humains ainsi que la commission des crimes les accompagnant. TITRE III : DE L’ORGANISATION ET DU FONCTIONNEMENT Section 1 : de l’organisation Paragraphe 1 : des membres Article 9 : La Commission Vérité et Réconciliation est composée de vingt et un membres, dont les huit membres du Bureau. Le Président et les sept autres membres formant le Bureau sont désignés par les Composantes et Entités au Dialogue inter-congolais conformément à la Constitution de la transition. Les autres membres sont des personnalités issues des Confessions religieuses, des associations savantes, des associations féminines et d’autres associations dont les activités ont un rapport avec l’objet de la Commission Vérité et Réconciliation, choisies d’une manière transparente et publique par chaque Province et dans le respect de la représentation de 30%, selon une modalité qui sera précisée par le règlement intérieur. Article 10 : Les conditions requises pour être membre de la Commission Vérité et Réconciliation sont : a) être de nationalité congolaise ; b) avoir 35 ans révolus ; c) être détenteur d’un diplôme de graduat au moins ou justifier d’une expérience professionnelle de dix ans ; d) être compétent par rapport aux principes de vérité et réconciliation ; e) avoir une bonne connaissance des réalités sociales du terrain et des droits de l’homme ; f) avoir un esprit rassembleur et réconciliateur g) faire preuve de moralité et de crédibilité ; h) jouir de toutes ses facultés mentales ; i) ne pas occuper un poste de responsabilité dans un parti politique ; j) produire un certificat d’aptitude au travail, un extrait de casier judiciaire vierge, un attestation de bonne vie et moeurs, ainsi qu’un certificat de nationalité ; k) ne pas être impliqué dans les crimes et violations des droits de l’homme. Article 11 : Après la promulgation de la présente loi organique et avant leur entrée en fonction, les membres de la Commission sont présentés par devant l’Assemblée Nationale pour leur entérinement. Ils prêtent, devant la Cour Suprême de Justice, le serment suivant : « Moi……. Je jure, devant Dieu et la Nation, de : - respecter scrupuleusement la Constitution et les lois de la République - remplir loyalement et fidèlement les fonctions de membre de la Commission Vérité et Réconciliation ; - d’observer la discrétion dans l’exercice de mes fonctions et après mon mandat ; - consacrer toutes mes forces pour la consolidation de l’unité nationale grâce à une véritable réconciliation entre les congolais ; - d’exercer mes fonctions en âme et conscience, en tout indépendance d’esprit et en toute impartialité ; - ne représenter ni les opinions ni les intérêts partisans de la Composante ou Entité à laquelle j’appartiens. » Article 12 : Les membres de la Commission Vérité et Réconciliation n’exerce aucune activité incompatible avec leurs fonctions ou susceptible de susciter des controverses sur l’honneur et la dignité de celles-ci. Le règlement intérieur précisera ces activités. Ils sont tenus, dès leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, de faire sur l’honneur une déclaration écrite de tous leurs biens à l’Assemblée Nationale. Article 13 : Sans préjudice des autres dispositions légales, le membre de la Commission Vérité et Réconciliation qui a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions encourt les sanctions disciplinaires prévues par le règlement intérieur. Article 14 : Conformément à l’article 159 de la Constitution de transition, la qualité de membre de la Commission Vérité et Réconciliation prend fin par : a) la démission ; b) l’empêchement définitif c) le décès ; d) la condamnation pour haute trahison, détournement des deniers publics, concussion ou corruption. En cas de vacance, le remplacement se fait selon le procédé qui a présidé à la désignation des membres concernés. L’Assemblée Nationale est tenu d’entériner le remplacement ainsi effectué endéans sept jours. Passé ce délai, l’entérinement est acquis d’office. Paragraphe 2 : des organes Article 15 : Les organes de la Commission et Réconciliation sont : - l’Assemblée plénière ; - le Bureau ; - les Commissions spéciales permanentes - les Comités provinciaux et locaux ; Article 16 : L’Assemblée plénière est l’organe de conception, d’orientation et de décision de la Commission Vérité et Réconciliation. Elle comprend l’ensemble des membres désignés conformément aux dispositions de l’article 9 de la présente loi ; Elle détermine la politique générale de la Commission Vérité et Réconciliation et délibère sur toutes les matières relevant des attributions de celle-ci. A ce titre, elle est compétente notamment pour : a) adopter le règlement intérieur ; b) adopter le calendrier des travaux ; c) approuver le programme d’action et les prévisions budgétaires de la Commission Vérité et Réconciliation ; d) contrôler la gestion tant financière qu’administrative de la Commission Vérité et Réconciliation ; e) examiner et approuver les rapports des Commissions spéciales permanentes, de Commissions spéciales ad hoc, et des Comités provinciaux et locaux ; f) décider de la création des Commissions spéciales ad hoc g) définir les choix et orientations en matière de relation et de coopération tant avec les Institutions de la République qu’avec divers partenaires nationaux qu’internationaux ; h) donner des avis sur les demandes d’amnistie ; i) adopter les procès-verbaux des séances plénières ; j) lever les immunités et autoriser les poursuites judiciaires contre ses membres. Article 17 : L’Assemblée plénière siège valablement à la majorité absolue de ses membres. Elle statue par voie de décision ou de recommandation, selon le cas, à la majorité des trois quarts de ses membres. Si à une séance de l’Assemblée plénière, ce quorum n’est pas atteint, les décisions sont prises à une séance subséquente, à la majorité absolue des membres présents. La plénière de la Commission Vérité et Réconciliation prend des décisions qui sont exécutoires et opposables à tous dans les domaines de sa compétence. Article 18 : La Commission Vérité et Réconciliation est dirigée par un Bureau constitué d’un Président, de trois Vice-Président, d’un Rapporteur et de trois Rapporteurs- Adjoints issus, chacun, des Composantes et Entités du Dialogue inter-congolais conformément à l’article 157 de la Constitution de transition. La configuration du Bureau est précisée par le règlement intérieur. Le Bureau de la Commission est constitué pour toute la durée de la transition. Article 19 : Le Bureau est l’organe d’exécution et de coordination de la Commission Vérité et Réconciliation. Il exécute la politique de la Commission Vérité et Réconciliation, administre les Commissions spéciales permanentes et ad hoc, les Comités provinciaux et locaux, et s’acquitte de toute tâche exigée pour le bon fonctionnement de la Commission Vérité et Réconciliation. Il statue par voie de décision sur les matières de sa compétence par consensus ou à défaut à la majorité absolue des membres présents. Le Bureau dispose d’un cabinet et d’un service administratif et technique composé des agents et fonctionnaires de l’Etat en détachement. Article 20 : Le Président de la Commission Vérité et Réconciliation convoque et préside les réunions de l’Assemblée plénière et du Bureau. Il veille à l’exécution des décisions de l’Assemblée plénière et du Bureau et gère quotidiennement les activités de la Commission. Il représente la Commission Vérité et Réconciliation vis-à-vis des tiers et ne l’engage que dans les limites des pouvoirs qui lui sont délégués par le Bureau. Il peut déléguer certaines de ses attributions aux autres membres du Bureau. Article 21 : Le Président de la Commission Vérité et Réconciliation saisit les autres Institutions de la République des notes et actes les concernant ainsi que des problèmes qui se posent pour le bon fonctionnement de la Commission. Article 22 : Le Président a rang de ‘Ministre’ conformément à l’article 158 de la Constitution de transition. Article 23 : Les attributions spécifiques des autres membres du Bureau et les modalités de fonctionnement dudit Bureau sont fixées par le règlement intérieur. Article 24 : Les Commissions spéciales sont des groupes de travail de la Commission Vérité et Réconciliation chargées d’examiner des questions spécifiques relevant des attributions de celle-ci. Elles sont soit permanentes soit ad hoc. Article 25 : Il est crée, au sein de la Commission Vérité et Réconciliation, les deux Commissions spéciales permanentes suivantes : a) la Commission spéciale permanente Vérité b) la Commission spéciale permanente Réconciliation La Commission spéciale permanente Vérité comprend trois sections chargées respectivement des questions de : 1) crimes politiques et violations massives des droits de l’homme ; 2) crimes sociaux, économiques, environnementaux et biens mal acquis ; 3) violence faite à la femme et à l’enfant ; La Commission spéciale permanente Réconciliation comprend trois sections chargées respectivement des questions de : 1) pacification et cohabitation inter-ethnique ; 2) réparation, réhabilitation, pardon et amnistie ; 3) prévention, médiation des conflits et éducation à la culture de la paix ; Article 26 : Les Comités provinciaux et locaux représentent la Commission Vérité et Réconciliation au niveau provincial et local. Ils assurent l’exécution des décisions et recommandations de l’Assemblée plénière et du Bureau dans leurs entités respectives. Ils transmettent au Bureau de la Commission les doléances recueillies auprès des populations de leurs juridictions. Article 27 : La composition, l’organisation et le fonctionnement des Commissions spéciales permanentes, des Commissions spéciales ad hoc, des Comités provinciaux et locaux, du cabinet et des services administratifs et techniques sont définis par le règlement intérieur de la Commission Vérité et Réconciliation. Section II : du fonctionnement Article 28 Dans l’exercice de sa mission et pour atteindre ses objectifs, la Commission Vérité et Réconciliation bénéficie de la collaboration de toutes les Institutions de la transition chaque fois que cela est nécessaire. En même temps, elle introduit dans celles-ci la culture de la démocratie, de la paix, de la vérité et de la réconciliation. A cet effet, elle collabore plus particulièrement avec le Sénat, Institution chargée de la médiation des conflits politiques entre les Institutions. En vue d’impliquer toute la population dans la réalisation de sa mission, la Commission Vérité et Réconciliation collabore plus particulièrement avec l’Observatoire National des Droits de l’Homme, les communautés de base, les confessions religieuses, les syndicats, les associations savantes, les associations des femmes, les médias, les institutions socio-éducatives et les organisations non gouvernementales. Elle coopère avec les autres structures nationales, sous-régionales, régionales et internationales analogues pour participer à la consolidation de la paix en République Démocratique du Congo et dans le monde. Elle bénéficie de l’expertise des nationaux et des étrangers, selon les besoins. Article 29 : L’Assemblée plénière se réunit en session ordinaire une fois par mois et en session extraordinaire selon les circonstances, à son siège à Kinshasa ou à l’intérieur du pays, sur convocation du Président de la Commission Vérité et Réconciliation. Les dispositions relatives à la convocation des réunions et aux délibérations sont prévues dans le règlement intérieur. Article 30 : La Commission Vérité et Réconciliation transmet pour examen ses rapports semestriels et annuels à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Le Gouvernement en est tenu informé. Article 31 : Les règles de procédure générales devant conduire la Commission Vérité et Réconciliation sont définies par la présente loi organique et complétée par le règlement intérieur. La procédure à l’égard des mineurs d’âge tiendra compte de l’intérêt de l’enfant. La procédure ne peut en aucun cas revêtir un caractère humiliant et vengeur. Article 32 : Sans préjudice du droit de chacun de suivre la voie des Cours et Tribunaux pour la défense de ses intérêts, toute personne physique ou morale ou tout groupe de personnes lésés du fait d’une violation individuelle, collective ou massive des droits de l’homme, peut saisir la Commission Vérité et Réconciliation par le dépôt d’une plainte, par une demande de réhabilitation ou de réparation. La Commission Vérité et Réconciliation est également saisie par une dénonciation ou par un aveu. Enfin, elle peut se saisir d’office, mais le consentement de la victime directe est requis. Article 33 : La Commission Vérité et Réconciliation siège de manière permanente. Elle a les pleins pouvoirs de recevoir, traiter et débattre sur toutes les matières relevant de sa compétence. Elle enregistre les plaintes, les dénonciations, les aveux et les demandes de réparation ou de réhabilitation et, le cas échéant, les oriente vers la Commission spéciale permanente compétente.
Article 34 : Lorsque la procédure d’instruction requiert des preuves ou éléments d’information dans un pays étranger ou implique des étrangers, la Commission Vérité et Réconciliation sollicite le concours de l’autorité officielle ou de l’institution chargée des voies diplomatiques. Article 35 : Pour réaliser ses investigations, la Commission Vérité et Réconciliation : - a accès à toute information et à toutes archives publiques ou privées liées à l’accomplissement de ses fonctions ; - visite, avec le concours du Ministère Public, n’importe quel lieu ou établissement afin de conduire ses recherches ; - entend toute personne sur tout sujet faisant l’objet de ses recherches ; - sollicite de toute personne de révéler toute information dans la mesure où celle-ci concerne l’objet de ses investigations. Toute personne interpellée par la Commission Vérité et Réconciliation est déliée du secret professionnel. Néanmoins, elle peut requérir l’anonymat. En cas de refus de toute personne interpellée de répondre à la troisième convocation de la Commission Vérité et Réconciliation, celle-ci dresse un procès-verbal de carence et lance une sommation à comparaître de 72 heures. A l’expiration de ce délai fixé, elle saisit la juridiction compétente qui est tenue d’examiner les faits et de statuer toutes affaires cessantes. Article 36 : Sans préjudice des dispositions constitutionnelles, les personnes jouissant des immunités et privilèges de juridiction peuvent être entendues par la Commission Vérité et Réconciliation. Article 37 : La Commission Vérité et Réconciliation peut requérir les services du Ministère Public pour faire des perquisitions en vue de saisir tout document ou élément de preuve dans le cadre de ses investigations. Les documents, éléments de preuve ou informations obtenus ne seront pas rendus publics ni exploités par d’autres instances, à moins que la Commission Vérité et Réconciliation l’autorise. Néanmoins, en cas d’échec de la procédure devant elle, les parties peuvent s’en prévaloir devant les Cours et Tribunaux. Article 38 : Aux fins de la bonne conduite de ses procédures, la Commission Vérité et Réconciliation : - entend toute personne qui comparait sur base d’un serment ; - exige la production de tout élément de preuve, de tout pièce, de tout document ou de tout archive intéressant les procédures. Article 39 : Les audiences de la Commission Vérité et Réconciliation sont publiques. Toutefois, l’Assemblée plénière peut décréter le huis-clos. Article 40 : La Commission est tenue à la confidentialité quant à l’identité et autres éléments permettant d’identifier une personne, lors de touts séance à huis-clos ou chaque fois qu’une personne la requiert, à tout stade de la procédure. Article 41 : Les recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation, prises à l’issue des séances d’écoute et dûment signifiées aux parties, leur sont opposables. En tout temps et en toute circonstance, la réparation s’effectue selon une procédure à l’amiable. Les arrangements à l’amiable intervenus sous l’égide de la Commission Vérité et Réconciliation en matière d’indemnisation ou de restitution ont valeur de transaction et à ce titre, sont revêtues de l’autorité de la chose jugée, conformément au titre X du Code Civil congolais. Si une des parties à l’arrangement à l’amiable n’exécute pas volontairement ses obligations, l’autre partis est habilitée à saisir les Cours et Tribunaux, conformément au droit commun, pour en obtenir l’exécution forcée. Article 42 : La Commission Vérité et Réconciliation peut envisager l’organisation d’un rituel pour certains cas de réconciliation entre les parties ayant comparu devant elle. Le règlement intérieur précise les modalités de cette réparation. Article 43 : Dans la définition ou la qualification des faits portés à sa connaissance, la Commission Vérité et Réconciliation se réfère aux lois en vigueur en République Démocratique du Congo ainsi qu’aux conventions internationales ratifiées par celle-ci. La Commission Vérité et Réconciliation, les Commissions spéciales permanentes, les Commission spéciales ad hoc respectent le procédure prescrite par la présente loi organique et le règlement intérieur. Article 44 : Sont qualifiées d’ « atteinte à l’établissement de la vérité devant la Commission Vérité et Réconciliation », les faits et actes suivants : a) le parjure ; b) les fausses déclarations d’une personne mise en cause ; c) les obstructions aux investigations ou la falsification des faits ; d) le faux témoignage ; e) la production d’éléments faux ou falsifiés en connaissance de cause ; f) la subornation des témoins : manoeuvre visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer librement ; g) les représailles contre un témoin en raison de sa déposition ; h) la destruction ou la falsification des éléments de preuve ; i) les représailles, les entraves, le chantage, les intimidations ou le trafic d’influence à l’encontre d’un membre de la Commission Vérité et Réconciliation. Les parents jusqu’au quatrième degré ou les conjoints ne seront pas astreints à témoigner les uns contre le autres. La commission de ces faits et actes entraînent pour leurs auteurs les poursuites judiciaires. Article 45 : Tout membre de la Commission Vérité et Réconciliation chargé de l’examen d’un dossier dans lequel sa neutralité et/ou son indépendance pourraient raisonnablement être mises en doute pour un motif quelconque doit se déporter. De même, toute personne mise en cause peut demander la récusation d’un ou de plusieurs membres de la Commission Vérité et Réconciliation chargé(s) de l’examen de son dossier notamment pour les raisons suivantes : - le lien de parenté, d’amitié, d’intimité ou de dépendance étroite entre lui et l’une des parties ; - l’intérêt personnel quelconque du membre dans l’affaire ; - l’inimitié avérée entre lui et l’une des parties ; - la participation directe ou indirecte à la commission des faits. L’Assemblée plénière examine le bien-fondé des demandes de récusation. Article 46 : Sans préjudice des dispositions de l’article 44 de la présente loi, tout personne ayant comparu devant la Commission Vérité et Réconciliation ne peut être poursuivie en justice pour les déclarations faites et les opinions émises à l’occasion de sa déposition. TITRE V : DES IMMUNITES, PRIVILEGES DE JURIDICTION ET INCOMPATIBILITES Section I : Des immunités et privilèges de juridiction Article 47 : Les membres de la Commission Vérité et Réconciliation jouissent des immunités pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ; dans ce cas, ils ne peuvent être poursuivis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée plénière, sauf en cas de flagrant délit. Pour les actes accomplis en dehors de l’exercice de leurs fonctions, ils ne peuvent être poursuivis qu’avec l’autorisation de l’Assemblée plénière, sauf en cas de flagrant délit. La règlement intérieur en fixe les modalités et la procédure. Article 48 : Les membres de la Commission Vérité et Réconciliation jouissent du privilège de juridiction conformément à l’article 151 de la Constitution de transition. Article 49 : Les membres de la Commission Vérité et Réconciliation bénéficient, en raison de la spécificité de leur mission, d’une protection spéciale des forces de maintient de l’ordre public. Section II : Des incompatibilités Article 50 : La qualité de membre de la Commission Vérité et Réconciliation est incompatible avec celle de : a) membre des autres Institutions de la République ; b) magistrat ; c) cadre politico-administratif de la territoriale ; d) membre des cabinets politiques des Institutions de la transition ; e) agent et fonctionnaire de l’Etat, militaire, policier et agents des services de sécurité ; f) mandataire et employé des entreprises publiques ; g) personne exerçant des fonctions rémunérées conférées par un Etat étranger ou un organisme international. Le membre frappé par l’une de ces incompatibilités doit immédiatement démissionner ou solliciter une mise en détachement vis-à-vis de son service d’origine. Il est tenu d’en produire la preuve au Président de la Commission Vérité et Réconciliation endéans trente jours. Passé ce délai, il est d’office réputé démissionnaire au sein de la Commission Vérité et Réconciliation. TITRE VI : DES DISPOSITIONS FINANCIERES ET BUDGETAIRES Article 51 : Les ressources de la Commission Vérité et Réconciliation sont constituées d’une dotation budgétaire émargeant aux budgets de l’Etat. La Commission Vérité et Réconciliation élabore ses prévisions budgétaires conformément à la loi financière et les transmet au Gouvernement. Le Gouvernement applique la procédure d’urgence dans le versement de la dotation. La Commission Vérité et Réconciliation peut obtenir des partenaires bilatéraux, multilatéraux et autres donateurs des dons et legs et tout appui nécessaire à son bon fonctionnement. Elle en informe le Gouvernement. Article 52 : La Commission Vérité et Réconciliation assure l’audit interne de ses comptes. Néanmoins, elle est soumise au contrôle de la Cour des comptes conformément aux dispositions fixées par la loi. Article 53 : Les membres de la Commission Vérité et Réconciliation bénéficient des indemnités et avantages qui leur assurent l’indépendance et une sortie honorable. A la fin de leurs fonctions, ils ont droit à une indemnité de sortie équivalent à six mois de leurs émoluments. TITRE VII : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES Article 54 : Dès la promulgation de la présente loi, la Commission Vérité et Réconciliation dispose d’une période transitoire de deux mois pour la vulgarisation de sa mission et l’exécution de la procédure de sa saisine. Article 55 : A l’issue de la période de transition instituée par l’accord global et inclusif, la Commission Vérité et Réconciliation dépose son rapport final d’activités à la Nation auprès de l’Assemblée Nationale et du Sénat, qui le transmettent au Président de la République. Il reprend : a) les activités ; b) les résultats ; c) les recommandations relatives notamment : - à l’entretient d’un climat de réconciliation et de tolérance ; - aux réformes nécessaires pour prévenir la répétition des comportements décriés ; - aux cas éligibles à l’amnistie et à ceux ne rentrant pas dans les attributions de la Commission Vérité et Réconciliation ou ceux qui n’ont pas abouti aux résultats attendus ; - aux réparations dues aux victimes et à la réhabilitation de celles-ci ; - au reclassement social des auteurs ou à leur prise en charge psychologique et/ou spirituelle ; - au transfert des dossiers devant les Cours et Tribunaux ; - aux modalités pratiques de poursuite éventuelle des travaux relatifs à la vérité et à la réconciliation après la transition ; Ce rapport est aussitôt publié au Journal Officiel de la République Démocratique du Congo. Article 56 : A la dissolution de la Commission Vérité et Réconciliation, son patrimoine est mis immédiatement à la disposition, selon les échelons, du Gouvernement et des Entités administratives provinciales et locales dans lesquelles il a servi. Article 57 : Les matières non prévues par le présente loi seront réglées conformément à la Constitution de transition, aux dispositions légales en vigueur et au règlement intérieur. Le règlement intérieur de la Commission Vérité et Réconciliation ne peut entrer en vigueur que si la Cour Suprême de Justice, obligatoirement saisie par le Président de la Commission, le déclare conforme à la Constitution de transition. La Cour Suprême de Justice se prononce dans un délai de quinze jours francs. Passé ce délai, le règlement intérieur de la Commission Vérité et Réconciliation est réputée conforme à la Constitution de transition. Article 58 : La présente loi organique est applicable durant toute la période de la transition. Article 59 : La présente loi organique sort ses effets à la date du 28août 2003 Fait à Kinshasa, le 30 juillet 2004 Joseph KABILA |
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