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CHARTE culturelle de l'Afrique 5 juillet 1976. – Version pdf TITRE I : OBJECTIFS ET PRINCIPES Art. 1 er. - Les objectifs de la présente Charte sont les suivants: a) libérer les peuples africains des conditions socioculturelles qui entravent leu r développement pou r recréer et entretenir le sens et la volonté de développement; b) réhabiliter, restaurer, sauvegarder, promouvoir le patrimoine culturel africain; c) affirmer la dignité de l'homme africain et les fondements populaires de sa culture; d) combattre et éliminer les formes d'aliénation, d'oppression et de domination culture lie partout en Afrique, notamment dans les pays encore sous domination coloniale et raciste dont l'apartheid; e) favoriser la coopération culture lie entre les États africains en vue de renforcement de l'unité africaine ; f) favoriser la coopération internationale pour une meilleure compréhension entre les peuples dans laquelle l'Afrique apportera à la culture humaine sa contribution originale et de qualité; g) favoriser dans chaque pays la maîtrise par tout le peuple de la science et de la technique, condition de la nécessaire maîtrise de la nature; h) développer dans le patrimoine culturel africain toutes les valeurs dynamiques et rejeter tout élément qui soit un frein au progrès. Art. 2. - Les États africains, pour atteindre les objectifs énoncés à l'article précédent, affirment solennellement les principes suivants: a) accès de tous les citoyens à l'éducation et à la culture; b) libération du génie créateur du peuple et respect de la liberté de création; c) respect des spécificités et des authenticités nationales dans le domaine culturel; d) intégration sélective de la science et de la technologie moderne dans la vie culture lie des peu pies africains; e) échange et diffusion des expériences culturelles entre États africains dans le domaine de la décolonisation culturelle sous toutes ses formes. TITRE II DIVERSITÉ CULTURELLE ET IDENTITÉ NATIONALE Art. 3. - Les États africains reconnaissent la nécessité de tenir compte des spécificités nationales, la diversité culturelle étant facteur d'équilibre à l'intérieur de la nation et source d'enrichissement mutuel des différentes communautés. Art. 4. - Les États africains reconnaissent que la diversité culturelle est l'expression d'une même identité, une faveur d'unité et une arme efficace pour la libération véritable, la responsabilité effective et la souveraineté totale du peuple. Art. 5. - L'affirmation d'une identité nationale ne doit pas se faire au prix de l'appauvrissement et de la sujétion des diverses cultures existant au sein d'un même État. TITRE III DU DÉVELOPPEMENT CULTUREL NATIONAL CHAPITRE I DES PRINCIPES FONDAMENTAUX D'UNE POLITIOUE CULTURELLE NATIONALE Art. 6. - Les États africains reconnaissent que ce sont les peuples qui font l'histoire, constituent les fondements et créent les conditions de progrès de la culture. Et la culture ayant une influence novatrice et bénéfique sur les moyens de production et sur l'homme, les États africains conviennent: a) d'élaborer chacun pour ce qui le concerne une politique culturelle nationale; celle-ci doit être conçue comme u ne codification de pratiques sociales et d'actions concertées dont la finalité est de satisfaire des besoins culturels par l'utilisation optimale de toutes les ressources matérielles et humaines disponibles; b) d'intégrer le plan de développement culturel dans le plan général de développement économique et social; c) chaque État fixe librement ses priorités et choisit les moyens qu'il estime les plus appropriés pour atteindre les objectifs qu'il s'est assignés en matière de développement culturel. Et à cette fin les priorités et les moyens qui suivent sont énoncés à titre indicatif: 1. des priorités: a) la transcription, l'enseignement et le développement de l'utilisation des langues nationales de manière à en faire des langues de diffusion et de développement des sciences et de la technique; b) la collecte, la conservation, l'exploitation et la diffusion de la tradition orale; c) l'adaptation des programmes d'enseignement aux besoins du développement et aux réalités socio-culturelles nationales et africaines; d) la promotion des activités culturelles, l'encouragement des artistes et l'aide à la création populaire; e) la protection des artistes créateurs et des biens culturels; f) le développement de la recherche permanente et la création de centres de recherches dans le domaine de l'action culturelle; g) la recherche su r des bases scientifiques modernes dans le domaine de la médecine populaire et de la pharmacopée africaine; 2. des moyens: a) l'introduction de la culture africaine dans touts les systèmes nationaux d'enseignement; b) l'introduction et l'intensification de l'enseignement dans les langues nationales afin d'accélérer le processus de développement économique, social, politique et culturel de nos États; c) la création d'institutions appropriées pour le développement, la préservation et la diffusion de la culture; d) la formation à tous les niveaux de cadres compétents; e) la liaison complète et effective de l'école aux réalités nationales et à la vie du peuple, liaison qui doit apparaître et dans les programmes et dans les structures de l'école; f) la sensibilisation et la mobilisation de tous les citoyens en vue de leur participation consciente à l'action culturelle; g) l'affectation d'un budget répondant aux besoins de la culture et de la recherche en sciences humaines, en sciences de la nature et en technologie; h) le financement de programmes culturels à partir d'abord et essentiellement des ressources nationales pour la réalisation de certains projets culturels; i) l'organisation de concours dotés de prix; j) l'organisation de festivals culturels nationaux et panafricains dans le strict respect de l'esprit de la présente Charte. CHAPITRE Il DE LA DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE Art. 7. - Les États africains reconnaissent que la dynamique africaine se fonde davantage sur l'épanouissement de la personnalité collective que sur la promotion individuelle et le profit et que la culture ne saurait être considérée comme un privilège réservé à une élite. Art. 8. - Les États africains conviennent de: a) créer les conditions permettant à leurs peuples de participer pleinement à l'élaboration et à la réalisation des politiques culturelles; b) défendre et développer la culture des peuples; c) mener une politique culturelle attentive à la promotion des créateurs; d) abolir le système de caste et réhabiliter partout où besoin est la fonction d'artiste et d'artisan (griots et artisans). CHAPITRE III DE LA PARTICIPATION ACTIVE DE LA JEUNESSE À LA VIE CULTURELLE NATIONALE Art. 9. - Le développement culturel continu de l'Afrique repose, essentiellement, sur la jeunesse. En conséquence les États africains doivent créer les conditions d'une participation active et éclairée des jeunes à la vie culturelle africaine. Art. 10. - Les États africains s'attacheront à élever constamment la conscience culturelle de la jeunesse par l'introduction des valeurs culturelles africaines dans l'enseignement, par l'organisation de festivals nationaux et panafricains, de conférences, de séminaires, de stages de formation et de perfectionnement. Art. 11. - Les politiques culturelles des différents États doivent veiller à ce que la jeunesse africaine dispose de moyens lui permettant de se familiariser avec toute la civilisation africaine et avec d'autres types de civilisation afin d'ouvrir dès maintenant la voie à de fructueux échanges entre les cultures. TITRE IV DE LA FORMATION ET DE L 'ÉDUCATION PERMANENTE CHAPITRE IV DE LA FORMATION Art. 12. - La formation professionnelle revêt une importance particulière tant pou r le développement économique, social que culturel. En conséquence, les États africains doivent s'attacher à créer les conditions favorisant u ne large participation à la vie culturelle par la classe ouvrière et la paysannerie africaine su r les lieux même du travail. Art. 13. - En vue de la réalisation de l'objectif défini à l'article précèdent, les États devront définir une politique de formation du personnel dans tous les domaines et à tous les niveaux. Art. 14. - La formation professionnelle des artistes créateurs devra être renforcée, renouvelée et adaptée aux méthodes modernes, sans que soit rom pu le lien ombilical avec les sources traditionnelles de l'art africain. À cette fin, les États africains doivent créer des centres de formation nationaux, régionaux et sous-régionaux. CHAPITRE V DE L'ÉDUCATION PERMANENTE Art. 15. - Les gouvernements africains devront accorder une attention particulière à l'lm portance croissante que revêt l'éducation permanente dans les sociétés modernes. Art. 16. - Les gouvernements africains devront prendre des mesures relatives à l'organisation rationnelle de la formation continue, établir un système d'enseignement approprié répondant aux besoins spécifiques de leurs peuples. TITRE V DE L'UTILISATION DES LANGUES AFRICAINES Art. 17. - Les États africains reconnaissent l'impérieuse nécessité de développer les langues africaines qui doivent assurer leur promotion culturelle et accélérer leur développement économique et social. À cette fin, les États africains s'attacheront à élaborer une politique linguistique nationale. Art. 18. - Les États africains devront préparer et mettre en œuvre les réformes nécessaires à l'introduction des langues africaines dans l'enseignement. À cette fin, chaque État africain devra choisir u ne ou plusieurs langues. Art. 19. - L'introduction des langues africaines dans tous les ordres d'enseignement devra être menée de pair avec une alphabétisation des populations. TITRE VI DE L'UTILISATION DES MOYENS D'INFORMATlON ET COMMUNICATlON Art. 20. - Les États africains reconnaissent qu'il ne saurait y avoir de politique culturelle sans politique d'information et de communication adéquate. Art. 21. - Les États africains encouragent l'utilisation judicieuse des moyens de l'information et de communication pour leur développement culturel. Art. 22. - a) Les gouvernements africains devront assurer la décolonisation totale des moyens d'information et accroître la production d'émissions radiophoniques et télévisées ainsi que la production de films cinématographiques reflétant les réalités politiques, économiques et sociales du peu pie afin de permettre aux masses d'avoir un plus grand accès et une plus grande participation aux richesses culturelles. b) Les gouvernements africains devront créer des maisons d'édition et de distribution de livres, de manuels scolaires, de disques, d'organes de presse en Afrique pou r lutter contre les spéculations des marchés et pour en faire des instruments populaires d'éducation. c) Ils doivent établir une coopération afin de briser le monopole détenu dans ce domaine par des pays non africains. TITRE VII DU RÔLE DES GOUVERNEMENTS DANS LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL CHAPITRE VI DE L'AIDE À LA CRÉATION Art. 23. - Les États africains doivent assurer un rôle moteur dans l'épanouissement culturel national par une politique d'aide efficace aussi bien à l'égard des moyens collectifs de création, qu'en faveur des créateurs individuels. Cette aide peut prendre des formes diverses: a) organisation de concours dotés de prix et d'expositions itinérantes d'œuvres d'art et detournées artistiques; b) aide fiscale par une politique de détaxation partielle ou complète des biens culturels africains; c) aide financière accordée aux artistes, écrivains et chercheurs et octroi de bourse de formation ou de perfectionnement; d) création d'un fonds national pou r la promotion de la culture et des arts. CHAPITRE VII DE LA PROTECTION DES ŒUVRES AFRICAINES Art. 24. - Les États africains devront promulguer une convention sur le droit d'auteur de manière à garantir la protection des œuvres africaines. Ils devront également intensifier leurs efforts pour modifier les conventions internationales existantes en faveur des intérêts africains. Art. 25. - Les gouvernements africains devront promulguer une législation nationale et interafricaine garantissant la protection du droit d'auteur, créer des bureaux nationaux du droit d'auteur et favoriser la création de sociétés d'auteurs chargées d'assurer la défense des intérêts moraux et matériels des créateurs d'œuvres de l'esprit. CHAPITRE VIII DE LA PROTECTION DU PATRIMOINE CULTUREL AFRICAIN Art. 26. - Le patrimoine culturel africain doit être protégé sur le plan juridique et le plan pratique dans les conditions énoncées par les instruments internationaux en vigueur et selon les meilleures normes applicables dans ce domaine. Art. 27. - Les gouvernements africains devront promulguer une législation nationale et interafricaine régissant la protection des biens culturels en temps de paix et en temps de guerre. Art. 28. - Les États africains devront prendre les dispositions pou r mettre fin au pillage des biens culturels, et obtenir que les biens culturels, notamment les archives, les objets d'art et d'archéologie, dont l'Afrique a été spoliée, lui soit restitués. À cette fin, ils devront en particulier appuyer les efforts déployés par l'Unesco et prendre toutes autres initiatives pour assurer l'application de la résolution de l'assemblée générale des Nations unies sur la restitution des œuvres d'art en levées à leu rs pays d'origine. Art. 29. - Les États africains devront prendre des mesures pour que les archives dont l'Afrique a été spoliée soient restituées aux gouvernements africains afin qu'ils puissent disposer d'archives complètes concernant l'histoire de leur pays. TITRE VIII DE LA COOPÉRATlON CULTURELLE INTERNATlONALE Art. 30. - Les États africains reconnaissent qu'il est indispensable d'établir une coopération culturelle interafricaine facteur de rapprochement et d'enrichissement réciproque des cultures africaines devant s'exprimer sous la forme d'un double courant d'échanges; d'une part, entre touts les pays du continent et, d'autre part, entre l'Afrique et le reste du monde par l'intermédiaire d'institutions spécialisées telles que l'Unesco. Art. 31. - Aux fi ns énoncées à l'article précédent, les États africains conviennent de: a) renforcer leur coopération par des actions culturelles communes et des échanges périodiques sur les grands thèmes qui conditionnent le développement culturel de l'Afrique; b) développer les échanges d'informations, de documentation et du matériel culturel par: • le renforcement de l'association des universités africaines; • les échanges universitaires et d'experts afin que l'on puisse développer les études culturelles et scientifiques dans les instituts de recherche; • les échanges et les réunions de jeunes; • l'organisation des évènements culturels conjoints tels que les festivals, les symposiums, les sports et les expositions artistiques; • la création de centres de recherche culturelle à l'échelon national, régional et panafricain; • Ia création d'un fonds interafricain pour maintenir et promouvoir les études et les programmes culturels; c) s'orienter vers une utilisation optimale des valeurs culturelles africaines, pour illustrer l'appartenance à une communauté identique; d) créer des institutions régionales spécialisées chargées de la formation de cadres spécialisés de l'action culturelle. Art. 32. - Le conseil culturel africain établira une étroite coopération avec la commission de l'éducation, de la science, de la culture et de la santé dans le domaine des politiques culturelles en Afrique. TITRE IX DISPOSITIONS FINALES Art. 33. - Signature et ratification i) La présente Charte est ouverte à touts les États membres de l'Organisation de l'unité africaine et ratifiée par les signataires conformément à leur constitution respective. ii) L'instrument original rédigé dans la mesure du possible en langues africaines, en anglais et en français ainsi que tous les textes faisant foi sont déposés auprès du secrétariat général, de l'Organisation de l'unité africaine qui enverra des exemplaires à tous les États membres. iii) Les instruments de ratification sont déposés auprès du secrétariat général de l'OUA qui doit en informer tous les signataires. Art. 34. - Entrée en vigueur. La présente Charte entre en vigueur dès que le secrétariat général de l'OUA reçoit les instruments de ratification et que les deux tiers des États membres de l'OUA y ont adhéré. Art. 35. - Enregistrement de la Charte Après avoir été dûment ratifiée, la présente Charte est enregistrée au près du secrétariat des Nations u nies par le secrétariat général de l'OUA, conformément à l'article 102 de la Charte des Nations unies. Art. 36. -Interprétation de la Charte Toute question soulevée concernant l'interprétation de la présente Charte est résolue par u ne décision de la conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'OUA. Art. 37. - Adhésion et accès I. Tout État membre de l'OUA peut à tout moment notifier au secrétariat général de l'OUA son intention d'adhérer à la présente Charte ou d'y avoir accès. II. Le secrétariat général de l'OUA doit faire circuler une telle notification à tous les États membres. L'adhésion et l'accession prennent effet quatorze jours après que la demande du requérant ait été communiquée à tous les États membres par le secrétariat général de l'OUA.
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