Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples
adoptée le 27 juin 1981 à Nairobi, Kenya, lors de
la 18e Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Entrée en
vigueur le 21 octobre 1986.
PRÉAMBULE | PARTIE I - DES DROITS ET DES DEVOIRS: >
CH. I : Des droits de
l'homme et des peuples >
CH. II Des devoirs || PARTIE II - DES MESURES DE SAUVEGARDE >
CH. II De la composition et
de l'organisation de la Commission africaine des droits de l'homme et des
peuples > CH. II Des
compétences de la Commission >
CH. III De la procédure de
la Commission >Ch. IV Des principes applicables || PARTIE III >
DISPOSITIONS
DIVERSES || ETATS PARTIES
PRÉAMBULE
Les Etats africains membres de L'OUA, parties à la présente Charte
qui porte le titre de "Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples".
Rappelant la décision 115 (XVI) de la Conférence des Chefs d'Etat et
de Gouvernement, en sa Seizième Session Ordinaire tenue à MONROVIA (Liberia) du
17 au 20 Juillet 1979, relative à l'élaboration d'un avant-projet de
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, prévoyant notamment
l'institution d'organes de promotion et de protection des Droits de l'Homme et
des Peuples;
Considérant la Charte de l'Organisation de l'Unité
Africaine, aux termes de laquelle, "la liberté, l'égalité, la justice et la
dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes
des peuples africains";
Réaffirmant l'engagement qu'ils ont solennellement pris à l'Article 2
de ladite Charte, d'éliminer sous toutes ses formes le colonialisme de
l'Afrique, de coordonner et d'intensifier leur coopération et leurs efforts pour
offrir de meilleures conditions d'existence aux peuples d'Afrique, de favoriser
la coopération internationale en tenant dûment compte de la Charte des
Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;
Tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des
valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs
réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples;
Reconnaissant que d'une part, les droits fondamentaux de l'être humain
sont fondés sur les attributs de la personne humaine, ce qui justifie leur
protection internationale et que d'autre part, la réalité et le respect des
droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l'homme;
Considérant que la jouissance des droits et libertés implique
l'accomplissement des devoirs de chacun;
Convaincus qu'il est essentiel d'accorder désormais une attention
particulière au droit au développement; que les droits civils et politiques sont
indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur
conception que dans leur universalité, et que la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et
politiques;
Conscients de leur devoir de libérer totalement l'Afrique dont les
peuples continuent à lutter pour leur indépendance véritable et leur dignité et
s'engageant à éliminer le colonialisme, le néocolonialisme, l'apartheid, le
sionisme, les bases militaires étrangères d'agression et toutes formes de
discrimination, notamment celles fondées sur la race, l'ethnie, la couleur, le
sexe, la langue, la religion ou l'opinion politique;
Réaffirmant leur attachement aux libertés et aux droits de l'homme et
des peuples contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments
adoptés dans le cadre de l'Organisation de l'Unité Africaine, du Mouvement des
Pays Non-Alignés et de l'Organisation des Nations Unies;
Fermement convaincus de leur devoir d'assurer la promotion et la
protection des droits et libertés de l'homme et des peuples, compte dûment tenu
de l'importance primordiale traditionnellement attachée en Afrique à ces droits
et libertés,
Sont convenus ce qui suit:
Chapitre 1: Des droits de l'homme et des peuples
Article 1
Les Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, parties
à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés
énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou
autres pour les appliquer.
Article 2
Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et
garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de
race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique
ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de
naissance ou de toute autre situation.
Article 3
1. Toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi.
2. Toutes les personnes ont droit à une égale protection de la loi.
Article 4
La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa
vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne: Nul ne peut être privé
arbitrairement de ce droit.
Article 5
Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine
et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes
d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des
personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements
cruels inhumains ou dégradants sont interdites.
Article 6
Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut
être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté ou
détenu arbitrairement.
Article 7
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit
comprend:
a / le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout
acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les
conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur;
b / le droit à la présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité
soit établie par une juridiction compétente;
c / le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un
défenseur de son choix;
d / le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction
impartiale.
2. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne
constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement
punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n'a pas été prévue au
moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut
frapper que le délinquant.
Article 8
La liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion,
sont garanties. Sous réserve de l'ordre public, nul ne peut être l'objet de
mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation de ces libertés.
Article 9
1. Toute personne a droit à l'information.
2. Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans
le cadre des lois et règlements.
Article 10
1. Toute personne a le droit de constituer librement des associations
avec d'autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association sous réserve
de l'obligation de solidarité prévue à l'article 29.
Article 11
Toute personne a le droit de se réunir librement avec d'autres. Ce droit
s'exerce sous la seule réserve des restrictions nécessaires édictées par les
lois et règlements, notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la
sûreté d'autrui, de la santé, de la morale ou des droits et libertés des
personnes.
Article 12
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa
résidence à l'intérieur d'un Etat, sous réserve de se conformer aux règles
édictées par la loi.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et
de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de restrictions que si
celles-ci sont prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité
nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques.
3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de
recevoir asile en territoire étranger, conformément à la loi de chaque pays et
aux conventions internationales.
4. L'étranger légalement admis sur le territoire d'un Etat partie à la
présente Charte ne pourra en être expulsé qu'en vertu d'une décision
conforme à la loi.
5. L'expulsion collective d'étrangers est interdite. L'expulsion
collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux,
ethniques ou religieux.
Article 13
1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction
des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit part l'intermédiaire
de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la
loi.
2. Tous les citoyens ont également le droit d'accéder aux fonctions
publiques de leurs pays.
3. Toute personne a le droit d'user des biens et services publics dans la
stricte égalité de tous devant la loi.
Article 14
Le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que par
nécessité publique ou dans l'intérêt général de la collectivité, ce,
conformément aux dispositions des lois appropriées.
Article 15
Toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et
satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal.
Article 16
1. Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique
et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.
2. Les Etats parties à la présente Charte s'engagent à prendre les
mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur
assurer l'assistance médicale en cas de maladie.
Article 17
1. Toute personne a droit à l'éducation.
2. Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la
Communauté.
3. La promotion et la protection de la morale et des valeurs
traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de l'Etat dans
le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme.
Article 18
1. La famille est l'élément naturel et la base de la société. Elle doit
être protégée par l'Etat qui doit veiller à sa santé physique et morale.
2. L'Etat a l'obligation d'assister la famille dans sa mission de
gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la
Communauté.
3. L' Etat a le devoir de veiller à l'élimination de toute discrimination
contre la femme et d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant
tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales.
4. Les personnes âgées ou handicapées ont également droit à des mesures
spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux.
Article 19
Tous les peuples sont égaux ; ils jouissent de la même dignité et ont les mêmes
droits. Rien ne peut justifier la domination d'un peuple par un autre.
Article 20
1. Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit
imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son
statut politique et assure son développement économique et social selon la voie
qu'il a librement choisie.
2. Les peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer de leur
état de domination en recourant à tous moyens reconnus par la Communauté
internationale.
3. Tous les peuples ont droit à l'assistance des Etats parties à la
présente Charte, dans leur lutte de libération contre la domination
étrangère, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel.
Article 21
1. Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des
populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.
2. En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime
récupération de ses biens ainsi qu'à une indemnisation adéquate.
3. La libre disposition des richesses et des ressources naturelles
s'exerce sans préjudice de l'obligation de promouvoir une coopération économique
internationale fondée sur le respect mutuel, l'échange équitable, et les
principes du droit international.
4. Les Etats parties à la présente Charte s'engagent, tant
individuellement que collectivement, à exercer le droit de libre disposition de
leurs richesses et de leurs ressources naturelles, en vue de renforcer i'unité
et la solidarité africaines.
5. Les Etats, parties à la présente Charte, s'engagent à éliminer toutes
les formes d'exploitation économique étrangère, notamment celle qui est
pratiquée par des monopoles internationaux, afin de permettre à la population de
chaque pays de bénéficier pleinement des avantages provenant de ses ressources
nationales.
Article 22
1. Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et
culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la
jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité.
2. Les Etats ont le devoir, séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice
du droit au développement.
Article 23
1. Les peuples ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan
national que sur le plan international. Le principe de solidarité et de
relations amicales affirmé implicitement par la Charte de l'Organisation des
Nations Unies et réaffirmé par celle de l'Organisation de l'Unité Africaine est
applicable aux rapports entre les Etats.
2. Dans le but de renforcer la paix, la solidarité et les relations
amicales, les Etats, parties à la présente Charte, s'engagent à
interdire:
a / qu'une personne jouissant du droit d'asile aux termes de l'article 12
de la présente Charte entreprenne une activité subversive dirigée contre son
pays d'origine ou contre tout autre pays, parties à la présente Charte;
b / que leurs territoires soient utilisés comme base de départ
d'activités subversives ou terroristes dirigées contre le peuple de tout autre
Etat, partie à la présente Charte.
Article 24
Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à
leur développement.
Article 25
Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de promouvoir et
d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des
droits et des libertés contenus dans la présente Charte, et de prendre des
mesures en vue de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même
que les obligations et devoirs correspondants.
Article 26
Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir
l'indépendance des Tribunaux et de permettre l'établissement et le
perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion
et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte.
Article 27
1. Chaque individu a des devoirs envers la famille et la société, envers
l'Etat et les autres collectivités légalement reconnues et envers la Communauté
Internationale.
2. Les droits et les libertés de chaque personne s'exercent dans le
respect du droit d'autrui, de la sécurité collective, de la morale et de
l'intérêt commun.
Article 28
Chaque individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans
discrimination aucune, et d'entretenir avec eux des relations qui permettent de
promouvoir, de sauvegarder et de renforcer le respect et la tolérance
réciproques.
Article 29
L'individu a en outre le devoir:
1. De préserver le développement harmonieux de la famille et d'oeuvrer en
faveur de la cohésion et du respect de cette famille ; de respecter à tout
moment ses parents, de les nourrir, et de les assister en cas de nécessité;
2. De servir sa communauté nationale en mettant ses capacités physiques
et intellectuelles à son service;
3. De ne pas compromettre la sécurité de l'Etat dont il est national ou
résident;
4. De préserver et de renforcer la solidarité sociale et nationale,
singulièrement lorsque celle-ci est menacée;
5. De préserver et de renforcer l'indépendance nationale et l'intégrité
territoriale de la patrie et, d'une façon générale, de contribuer à la défense
de son pays, dans les conditions fixées par la loi;
6. De travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses possibilités,
et de s'acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des
intérêts fondamentaux de la société;
7. De veiller, dans ses relations avec la société, à la préservation et
au renforcement des valeurs culturelles africaines positives, dans un esprit de
tolérance, de dialogue et de concertation et d'une façon générale de contribuer
à la promotion de la santé morale de la société;
8. De contribuer au mieux de ses capacités, à tout moment et à tous les
niveaux, à la promotion et à la réalisation de l'unité africaine.
Chapitre 1 - De la composition et de l'organisation de la Commission
africaine des droits de l'homme et des peuples
Article 30
ll est créé auprès de l'Organisation de l'Unité Africaine une Commission
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples ci-dessous dénommée "la
Commission", chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et
d'assurer leur protection en Afrique.
Article 31
1. La Commission se compose de onze membres qui doivent être choisis
parmi les personnalités africaines jouissant de la plus haute considération,
connues pour leur haute moralité, leur intégrité et leur impartialité, et
possédant une compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un
intérêt particulier devant être donné à la participation de personnes ayant une
expérience en matière de droit.
2. Les membres de la Commission siègent à titre personnel.
Article 32
La Commission ne peut comprendre plus d'un ressortissant du même Etat.
Article 33
Les membres de la Commission sont élus au scrutin secret par la Conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement, sur une liste de personnes présentées à cet
effet, par les Etats parties à la présente Charte.
Article 34
Chaque Etat partie à la présente Charte peut présenter deux candidats au
plus. Les candidats doivent avoir la nationalité d'un des Etats parties à la
présente Charte. Quand deux candidats sont présentés par un Etat, l'un des deux
ne peut être national de cet Etat.
Article 35
1. Le Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine invite
les Etats parties à la présente Charte à procéder, dans un délai d'au
moins quatre mois, avant les élections, à la présentation des candidats à la
Commission.
2. Le Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine dresse la
liste alphabétique des personnes ainsi présentées et la communique un mois au
moins avant les élections, aux Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Article 36
Les membres de la Commission sont élus pour une période de six ans renouvelable.
Toutefois, le mandat de quatre des membres élus lors de la première élection
prend fin au bout de deux ans, et le mandat de trois autres au bout de quatre
ans.
Article 37
Immédiatement après la première élection, les noms des membres visés à l'article
36 sont tirés au sort par le Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de l'OUA.
Article 38
Après leur élection, les membres de la Commission font la déclaration solennelle
de bien et fidèlement remplir leurs fonctions en toute impartialité.
Article 39
1. En cas de décès ou de démission d'un membre de la Commission, le
Président de la Commission en informe immédiatement le Secrétaire Général de
l'OUA qui déclare le siège vacant à partir de la date du décès ou de celle à
laquelle la démission prend effet.
2. Si de l'avis unanime des autres membres de la Commission, un membre a
cessé de remplir ses fonctions pour toute autre cause qu'une absence de
caractère temporaire, ou se trouve dans l'incapacité de continuer à les remplir,
le Président de la Commission en informe le Secrétaire Général de l'Organisation
de l'Unité Africaine qui déclare alors le siège vacant.
3. Dans chacun des cas prévus ci-dessus, la Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement procède au remplacement du membre dont le siège est devenu
vacant pour la portion du mandat restant à courir, sauf si cette portion est
inférieure à six mois.
Article 40
Tout membre de la Commission conserve son mandat jusqu'à la date d'entrée en
fonction de son successeur.
Article 41
Le Secrétaire Général de l'OUA désigne un secrétaire de la Commission et fournit
en outre le personnel et les moyens et services nécessaires à l'exercice
effectif des fonctions attribuées à la Commission. L'OUA prend à sa charge le
coût de ce personnel et de ces moyens et services.
Article 42
1. La Commission élit son Président et son Vice-Président pour une
période de deux ans renouvelable.
2. Elle établit son règlement intérieur.
3. Le quorum est constitué par sept membres.
4. En cas de partage des voix au cours des votes, la voix du Président
est prépondérante.
5. Le Secrétaire Général de l'OUA peut assister aux réunions de la
Commission. Il ne participe ni aux délibérations, ni aux votes. Il peut
toutefois être invité par le Président de la Commission à y prendre la parole.
Article 43
Les membres de la Commission, dans l'exercice de leurs fonctions, jouissent des
privilèges et immunités diplomatiques prévus par la Convention sur les
privilèges et immunités de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article 44
Les émoluments et allocations des membres de la Commission sont prévus au budget
régulier de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Chapitre 2 - Des compétences de la Commission
Article 45
La Commission a pour mission de:
1. Promouvoir les droits de l'homme et des peuples et notamment:
a / Rassembler de la documentation, faire des études et des recherches
sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'homme et des
peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser
des informations, encourager les organismes nationaux et locaux s'occupant des
droits de l'homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire
des recommandations aux gouvernements;
b / Formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes
législatifs par les gouvernements africains, des principes et règles qui
permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des
droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales;
c / Coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales
qui s'intéressent à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des
peuples.
2. Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples dans les
conditions fixées par la présente Charte.
3. Interpréter toute disposition de la présente Charte à la demande d'un
Etat partie, d'une Institution de l'OUA ou d'une Organisation africaine reconnue
par l'OUA.
4. Exécuter toutes autres tâches qui lui seront éventuellement confiées
par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Chapitre 3 - De la procédure de la Commission
Article 46
La Commission peut recourir à toute méthode d'investigation appropriée; elle
peut notamment entendre le Secrétaire Général de l'OUA et toute personne
susceptible de l'éclairer.
Article 47
Si un Etat partie à la présente Charte a de bonnes raisons de croire
qu'un autre Etat également partie à cette Charte a violé les dispositions de
celle-ci, il peut appeler, par communication écrite, l'attention de cet Etat sur
la question. Cette communication sera également adressée au Secrétaire Général
de l'OUA et au Président de la Commission. Dans un délai de trois mois à compter
de la réception de la communication, l'Etat destinataire fera tenir à l'Etat qui
a adressé la communication, des explications ou déclarations écrites élucidant
la question, qui devront comprendre dans toute la mesure du possible, des
indications sur les lois et règlements de procédure applicables ou appliqués et
sur les moyens de recours, soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore
ouverts.
Article 48
Si dans un délai de 3 (trois) mois à compter de la date de réception de la
communication originale par l'Etat destinataire, la question n'est pas réglée à
la satisfaction des deux Etats intéressés, par voie de négociation bilatérale ou
par toute autre procédure pacifique, l'un comme l'autre auront le droit de la
soumettre à la Commission par une notification adressée à son Président, à
l'autre Etat intéressé et au Secrétaire Général de l'OUA.
Article 49
Nonobstant les dispositions de l'article 47, si un Etat partie à la présente
Charte estime qu'un autre Etat également partie à cette Charte a violé les
dispositions de celle-ci, il peut saisir directement la Commission par une
communication adressée à son Président, au Secrétaire Général de l'OUA et à
l'Etat intéressé.
Article 50
La Commission ne peut connaître d'une affaire qui lui est soumise qu'après
s'être assurée que tous les recours internes, s'ils existent, ont été épuisés, à
moins qu'il ne soit manifeste pour la Commission que la procédure de ces recours
se prolonge d'une façon anormale.
Article 51
1. La Commission peut demander aux Etats parties intéressés de lui fournir toute
information pertinente.
2. Au moment de l'examen de l'affaire, des Etats parties intéressés
peuvent se faire représenter devant la Commission et présenter des observations
écrites ou orales.
Article 52
Après avoir obtenu, tant des Etats parties intéressés que d'autres sources,
toutes les informations qu'elle estime nécessaires et après avoir essayé par
tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le
respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, dans un
délai raisonnable à partir de la notification visée à l'article 48, un rapport
relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est
envoyé aux Etats concernés et communiqué à la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement.
Article 53
Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement, telle recommandation qu'elle
jugera utile.
Article 54
La Commission soumet à chacune des sessions ordinaires de la conférence des
Chefs d'Etat et de Gouvernement un rapport sur ses activités.
Article 55
1. Avant chaque session, le Secrétaire de la Commission dresse la liste
des communications autres que celles des Etats parties à la présente Charte et
les communique aux membres de la Commission qui peuvent demander à en prendre
connaissance et en saisir la Commission.
2. La Commission en sera saisie, sur la demande de la majorité absolue de
ses membres.
Article 56
Les communications visées à l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux
droits de l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées,
remplir les conditions ci-après:
1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Commission de garder l'anonymat;
2. Etre compatibles avec la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine
ou avec la présente Charte;
3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l'égard de
l'Etat mis en cause, de ses institutions ou de l'OUA;
4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées
par des moyens de communication de masse;
5. Etre postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent,
à moins qu'il ne soit manifeste à la Commission que la procédure de ces recours
se prolonge d'une façon anormale;
6. Etre introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement
des recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant
commencer à courir le délai de sa propre saisine;
7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux
principes de la Charte des Nations Unies, soit de la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine et soit des dispositions de la présente Charte.
Article 57
Avant tout examen au fond, toute communication doit être portée à la
connaissance de l'Etat intéressé par les soins du Président de la Commission.
Article 58
1. Lorsqu'il apparaît à la suite d'une délibération de la Commission
qu'une ou plusieurs communications relatent des situations particulières qui
semblent révéler l'existence d'un ensemble de violations graves ou massives des
droits de l'homme et des peuples, la Commission attire l'attention de la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement sur ces situations.
2. La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement peut alors demander
à la Commission de procéder sur ces situations, à une étude approfondie, et de
lui rendre compte dans un rapport circonstancié, accompagné de ses conclusions
et recommandations.
3. En cas d'urgence dûment constatée par la Commission, celle-ci saisit
le Président de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement qui pourra
demander une étude approfondie.
Article 59
1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre resteront
confidentielles jusqu'au moment où la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement en décidera autrement.
2. Toutefois, le rapport est publié par le Président de la Commission sur
décision de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président
après son examen par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement.
Chapitre 4 - Des principes applicables
Article 60
La Commission s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et
des peuples, notamment des dispositions des divers instruments africains
relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des
Nations Unies, de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine, de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des dispositions des autres
instruments adoptés par les Nations Unies et par les pays africains dans le
domaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que des dispositions de
divers instruments adoptés au sein d'institutions spécialisées des Nations Unies
dont sont membres les parties à la présente Charte.
Article 61
La Commission prend aussi en considération, comme moyens auxiliaires de
détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les
Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine, les pratiques africaines
conformes aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et des
peuples, les coutumes généralement acceptées comme étant le droit, les principes
généraux de droit reconnus par les nations africaines ainsi que la jurisprudence
et la doctrine.
Article 62
Chaque Etat partie s'engage à présenter tous les deux ans, à compter de la date
d'entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures
d'ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et
libertés reconnus et garantis dans la présente Charte.
Article 63
1. La présente Charte sera ouverte à la signature, à la
ratification ou à l'adhésion des Etats membres de l'Organisation de l'Unité
Africaine.
2. Les instruments de ratification ou d'adhésion de la présente Charte
seront déposés auprès du Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité
Africaine.
3. La présente Charte entrera en vigueur trois mois après la réception
par le Secrétaire Général, des instruments de ratification ou d'adhésion de la
majorité absolue des Etats membres de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Article 64
1. Dès l'entrée en vigueur de la présente Charte, il sera procédé
à l'élection des membres de la Commission dans les conditions fixées par les
dispositions des articles pertinents de la présente Charte.
2. Le Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine
convoquera la première réunion de la Commission au siège de l'Organisation. Par
la suite, la Commission sera convoquée chaque fois qu'il sera nécessaire et au
moins une fois par an par son Président.
Article 65
Pour chacun des Etats qui ratifieront la présente Charte ou y adhéreront
après son entrée en vigueur, ladite Charte prendra effet trois mois après la
date du dépôt par cet Etat, de son instrument de ratification ou d'adhésion.
Article 66
Des protocoles ou accords particuliers pourront, en cas de besoin, compléter les
dispositions de la présente Charte.
Article 67
Le Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine informera les Etats
membres de l'Organisation de l'Unité Africaine du dépôt de chaque instrument de
ratification ou d'adhésion.
Article 68
La présente Charte peut être amendée ou révisée si un Etat partie envoie
à cet effet une demande écrite au Secrétaire Général de l'Organisation de
l'Unité Africaine. La conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement n'est
saisie du projet d'amendement que lorsque tous les Etats parties en auront été
dûment avisés et que la Commission aura donné son avis à la diligence de l'Etat
demandeur. L'amendement doit être approuvé par la majorité absolue des Etats
parties. II entre en vigueur pour chaque Etat qui l'aura accepté conformément à
ses règles constitutionnelles trois mois après la notification de cette
acceptation au Secrétaire Général de l'Organisation de l'Unité Africaine.
Charte adoptée par la dix-huitième Conférence des Chefs d'Etat
et de Gouvernement, Juin 1981, Nairobi, Kenya.
Etats
Parties. Algérie (1987), Angola (1990), Bénin (1986), Botswana
(1986), Burkina Faso (1984), Burundi (1989), Cameroun (1989), Cap-Vert
(1987), République Centrafricaine (1986), Comores (1986), Congo (1982),
Côte d'Ivoire (1992), Djibouti (1991), Egypte (1984), Gabon (1986),
Gambie (1983), Ghana (1989), Guinée (1982), Guinée-Bissau (1985), Guinée
équatoriale (1986), Kenya (1992), Lesotho (1992), Libéria (1982),
Jamahiriya arabe libyenne (1986), Madagascar (1992), Malawi (1989), Mali
(1981), Maurice (1992), Mauritanie (1986), Mozambique (1989), Namibie
(1992), Niger (1986), Nigeria (1983), Ouganda (1986), République
Rwandaise (1983), Sahrawi, République démocratique arabe (1986), Sao
Tomé et Principe (1986), Sénégal (1982), Seychelles (1992), Sierra Léone
(1983), Somalie (1985), Soudan (1986), Tanzanie (1984), Tchad (1986),
Togo (1982), Tunisie (1983), Zaïre (1987), Zambie (1984), Zimbabwe
(1986).
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