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COUR SUPREME DE JUSTICE SECTION JUDICIAIRE – CASSATION - MATIERES CIVILE ET COMMERCIALE
Audience publique du 5 mars 1986
ARRET (R.C.837) droit d’occupation droit de propriété En cause : K.B., demandeur en cassation, ayant pour conseil Maître KANKONDE BATUBENGA MAY a LUEBO, avocat près la Cour d’appel de Kinshasa.
Contre : G. P., défendeur en cassation, ayant pourconseils Maîtres YOKA MANGONO, KALALA, NGUBITO et TSHINWELA, avocats près la Cour d’appel de Kinshasa.
Par son pourvoi du 21 juillet 1982, le citoyen K. sollicite la cassation d’un arrêt rendu le 15 décembre 1981 par la Cour d’appel de Kinshasa qui l’avait débouté de son action originaire tendant à faire reconnaître le droit d’occupation et de propriété sur la parcelle sise n°1071, zone de Kinshasa/Ngaliema et l’avait condamné incidemment à payer à son adversaire P. Gilbert la somme de 4.017,19 zaïres de dommages-intérêts ;
A l’appui de son premier moyen tiré de la violation de l’article 227 de la loi n°021 du 20 juillet 1974 portant régime des biens tel que modifié par la loi n°80-008 du 18 juillet 1980, le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir contesté la valeur du certificat d’enregistrement produit par lui au motif que ce certificat constituerait un fait nouveau alors qu’il n’en est pas ainsi ; que ce certificat n’avait jamais fait l’objet d’une annulation et que le droit de propriété n’en avait jamais été rétrocédé à qui que ce soit.
Ce moyen manque en fait, en tant qu’il reproche aux juges d’appel d’avoir contesté la valeur d’un certificat d’enregistrement produit en instance d’appel par le demandeur. Car il ressort de l’examen de l’arrêt attaqué que la Cour d’appel s’est limitée à rejeter purement et simplement des débats ce certificat établi après le prononcé du jugement du premier degré, en le considérant comme un fait nouveau qui n’avait pas été débattu devant le juge de première instance.
Le deuxième moyen est tiré de la fausse application de l’article 77 du code de procédure civile, en ce que les juges d’appel ont erronément interprété cette disposition en déclarant que ce certificat d’enregistrement produit par le demandeur constituait une demande nouvelle irrecevable au degré d’appel alors qu’il s’agissait en réalité d’un moyen nouveau recevable même en appel.
Ce moyen est fondé. En effet, bien qu’ils n’aient pas expressément qualifié la production de ce certificat comme une demande nouvelle irrecevable au degré d’appel en application de l’article 77 invoqué au moyen, les juges d’appel l’ont cependant implicitement déclaré en décidant que « tous les actes signés et posés après le prononcé du jugement déféré doivent être considérés comme faits nouveaux auxquels la Cour ne peut avoir égard » en vertu de l’effet dévolutif de principe de l’immutabilité du litige qui exige que la censure de la juridiction d’appel ne s’exerce que sur le terrain exact où l’ont placé les juges de première instance. Mais tel n’était pas le cas dans cette espèce où le certificat d’enregistrement produit devant la Cour d’appel par le demandeur en cassation avait pour but de justifier ses prétentions et demandes originaires sans pourtant les modifier. Ainsi, en prouvant devant les juges d’appel son droit de propriété par la production du certificat d’enregistrement, le demandeur n’a pas formulé de prétention nouvelle dès lors qu’elles tendaient aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (récupérer le terrain contesté) même si le fondement juridique était différent, qu’il s’agissait donc en réalité de la production d’un moyen nouveau qui est, en principe, recevable, même en appel.
La Cour suprême de justice dit que, même fondé, ce moyen n’emporte pas cassation de l’arrêt attaqué dont le dispositif reste justifié, car les juges d’appel, même s’ils accueillaient le moyen du demandeur fondé sur le certificat d’enregistrement, étaient tenus de faire droit à la demande incidente du défendeur en cassation et d’annuler ce certificat établi sur base d’un jugement frappé d’appel et dont exécution provisoire était refusée par ordonnance du 27 février 1981 prise par le Premier Président de la Cour suprême de justice, ce qui constitue une violation flagrante des dispositions impératives de l’alinéa 4 de l’article 231 des lois n°80/008 du 18 juillet 1980 modifiant et complétant la loi n°73-021 du 20 juillet 1973 sur le régime général des biens du régime foncier et immobilier qui dispose que « les mutations en vertu des jugements ne peuvent être opérées que si elles sont passées en force de chose jugée ».
Manque en fait pour les raisons évoquées au premier moyen le 3ème moyen qui est tiré de la violation des articles 199 à 202 du Code Civil Livre III, en ce que les juges d’appel ont contesté la valeur d’un titre authentique, alors qu’aux termes de ces dispositions, le certificat d’enregistrement est une preuve latérale irréfutable faisant pleine foi.
Le 4ème moyen est tiré de la violation de l’article 23 du Code de Procédure Civile pour absence de motivation. Le demandeur soutient à cet effet qu’en le condamnant aux dommages-intérêts pour cause d’occupation illicite du terrain litigieux et initiation de l’action en déguerpissement, l’arrêt déféré n’est pas suffisamment motivé car il avait, en vertu de son contrat de location et du certificat d’enregistrement, le droit d’assigner le défendeur en déguerpissement et en dommages-intérêts pour trouble à son droit.
Ce moyen manque en fait, car les juges d’appel n’ont pas motivé la condamnation du demandeur aux dommages-intérêts sur l’occupation irrégulière des lieux contestés et sur le fait d’initier une action en déguerpissement contre son adversaire, mais sur le fait que le demandeur avait détruit les constructions du défendeur sur ce terrain dont ce dernier avait encore un contrat de location valable au moment où K. obtenait un autre bail avec l’Etat. L’arrêt déclare en effet sur ce point au sixième feuillet dernier paragraphe et 7ème feuillet : « Cependant la Cour note qu’il existe au dossier un procès-verbal d’expertise non contesté renseignant que K. a détruit les constructions de P. pour 24.865,75 zaïres et construit pour 20.848,57 zaïres, ce qui réduit la destruction à 4.017,17 zaïres. Pour cette raison, K. sera considéré comme constructeur de bonne foi et, à part les 4.017,17 zaïres de dégâts, il ne sera pas condamné aux dommages-intérêts ».
C’est pourquoi,
La Cour suprême de justice, section judiciaire, statuant en cassation en matière civile ;
Le Ministère public entendu ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais taxés en totalité à la somme de 3.200 Z.
La Cour a ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-six à laquelle ont siégé les citoyens BALANDA MIKUIN LELIEL, Président ; MUTOMBO KABELU et KABAMBA PENGE, conseillers, avec le concours du Ministère public représenté par le Premier avocat général de la République MONGULU T’APANGANE, et l’assistance de BOMPOKO BOKETE, greffier du siège. |
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