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COUR SUPREME DE JUSTICE

ARRÊT· REPA.028 du 20 avril 2018

 

La Cour Suprême de Justice, section administrative, siégeant en matière de contentieux électoral au degré d'appel, a rendu l'Arrêt suivant :

Audience publique du vingt avril, l' an deux mille dix-huit

En cause:

Le Regroupement politique dénommé Majorité Présidentielle, « MP » en sigle ;

Appelant

Contre :

1. Monsieur Tunda Kasongo Lukali Prosper, résidant sur l'avenue Yuma n° 01, Quartier et Commune Kasuku, Ville de Kindu, province du Maniema en RDC;

2. Monsieur Pataule Kalema Josue, résidant sur avenue Kasambula n° 43, Quartier Mangobo, Commune Ahunguli, Ville de Kindu, Province du Maniema en RDC ;

3. La Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI en sigle, dont le siège sis Boulevard du 30 juin à Kinshasa/Gombe ;

Intimés

Par sa requête signée le 13 avril 2018 et déposée le 14 du même mois au greffe de la Cour suprême de justice, le Regroupement politique dénommé Majorité Présidentielle, « MP » en sigle, représenté par son Secrétaires général l'honorable Aubin Minaku Ndjalandjoko, agissant par l'un de ses conseils, Maitre Paul Bondo Katumba, Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe et porteur de la procuration spéciale à lui remise le 13 avril 2018 par l'honorable Aubin Minaku Ndjalandjoko, son Secrétaire général, releva appel contre l'arrêt sous RCE 026/18 du 11 avril 2018 rendu par la Cour d'appel de Kindu en matière de contentieux électoral des résultats pour l'élection des Gouverneur et Vice Gouverneur de la province du Maniema dont le dispositif est ainsi libellé :

C'est pourquoi

La Cour d'appel de Kindu, siégeant en matière de contentieux des résultats provisoires des élections du Gouverneur et Vice-gouverneur de la Province du Maniema;

Reçoit l'exception de défaut de qualité soulevée par les défendeurs et la déclare fondée ;

Y faisant droit

Dit irrecevable la requête susdite ;

Dit n'y avoir pas lieu à paiement de frais de l'instance.

Par ordonnance datée du 16 avril 2018, le Premier président de cette cour, fixa la cause à l'audience publique du 18 avril2018;

Par exploits séparés et dates des 16 et 17 avril 2018 de l'Huissier Nzuzi Nkete de cette Cour, notification à comparaitre à l'audience publique du 18 avril 2018 fut donnée à la Commission Électorale Nationale indépendante, « CENI » en sigle et au Procureur General de la République ainsi qu'un communiqué fut donné à La RTNC à l'intention des intimes Tunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalume Josue ;

A l'appel de la cause à l'audience publique du 18 avril 2018, Maitre Norbert Nkulu Kilomba comparut conjointement avec Maitres Paul Bondo et Urbain Mutuale, tous Avocats respectivement aux Barreaux de Kinshasa/Gombe pour le Regroupement politique dénommé Majorité Présidentielle, « MP » en sigle ; la Commission Électorale Nationale indépendante, « CENI » en sigle, comparut par ses experts Arnold Kosla, Alimeti Kitutu, Noel Mulimbi, Jean Ngella et Kisile tandis que Maitre Jean Mupier comparut pour les intimes lunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalume conjointement avec Maitres Assani Kimwanga, Charles Kusesuka, Ngongo Manzaka Bobo, Nanga Farlala, Marcel Lembalemba, Oris Busheni et Useni Awadi, tous avocats respectivement aux barreaux de Kinshasa/Gombe, de Kinshasa/Matete, de Kindu et de Mbandaka;

La cour déclara la cause en état d'être examinée et après son instruction, accorda la parole : d'abord aux conseils de la partie appelante qui plaidèrent et conclurent comme suit :

Dispositif de la note de plaidoirie déposée par Maitre Nkulu Kilomba.

Que statuant à nouveau, la cour déclarera recevable et fondée la requête en contestation des résultats provisoires initiée par la Majorité Présidentielle et ordonnera à la CENI d'organiser une nouvelle élection;

Que pour le surplus, l'appelant se réfère à sa requête.

Dispositif de La note de Plaidoirie Additionnelle déposée par Maitres Urbain Mutuale Nkosa et Paul Bondo Katumba.

PAR CES MOTIFS --

Prenant en compte les éléments développés dans la requête;

Plaise a La Cour de céans :

De recevoir La requête de La requérante et la dire amplement fondée ;

Déclarer le chef lunda Kasongo Lukalu Prosper inéligible ;

Annuler le vote du Gouverneur et Vice-gouverneur de La province du Maniema ;

Ordonner à La CENI d'organiser un nouveau scrutin dans le délai de La loi sans La liste du candidat dont I' élection est contestée.

Ce sera justice.

Ensuite aux experts de La CENI qui plaidèrent et conclurent comme suit :

Dispositif des observations déposées pour la CENI et signées par I' expert Emile Kayembe M.

Pour le surplus, La CENI s'en remet à La sagesse de la Cour.

Et enfin aux conseils des intimes lunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalume qui plaidèrent et conclurent comme suit :

Dispositif de la note de Plaidoirie déposée par Maitre Mananga Farlala Renard.

PAR CES MOTIFS

Plaise à la Cour de céans, de dire;

* Principalement qu'elle est incompétente pour:

1. L'inexistence à l'heure actuelle de la juridiction appelée Cour administrative d'appel de Kindu dont la décision est attaquée ;

* Subsidiairement irrecevable la présente action pour :

1. Absence des motifs ;

2. Obscurité du libelle.

Frais comme de droit ;

3. Inexistence juridique ;

Frais comme de droit ;

4. Défaut de qualité ;

Frais comme de droit ;

5. Non bis in idem ;

Frais comme de droit,

*Très subsidiaire quant au fond, dire la présente action irrecevable mais non fondée pour :

1. Non application des dispositions de I' article 110 de la Constitution dans le cas d' espèce ;

2. Mauvaise application des dispositions de l'article 10 point 5 de La loi électorale ;

 

En conséquence ;

Proclamer élus Messieurs Tunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalema Josue comme respectivement  - Gouverneur et Vice-gouverneur de La province de Maniema;

Frais comme de droit ;

Ce sera justice »

et enfin au Ministère public représenté par l 'Avocat général de La République Mikobi qui, en son avis verbal donne sur les bancs, déclara qu'il plaise à la cour de déclarer la requête recevable et fondée ;

D'annuler l'arrêt sous RCE 026 rendu par La Cour d'appel de Kindu ;

Après quoi, la cour déclara les débats clos, prit La cause en délibéré pour son arrêt à intervenir le 20 avril 2018;

A l'appel de la cause à cette audience publique, aucune des parties ne comparut ni personne en leurs noms ;

Sur ce, La cour prononça l'arrêt suivant :

ARRÊT

Par sa requête déposée le 14 avril 2018 au greffe de la Cour suprême de justice, le regroupement politique Majorité Présidentielle, MP en sigle, appelante, sollicite, pour mal juge, La reformation de I' arrêt REC 026/18 le 11 du même mois par La Cour d'appel de Kindu qui a déclaré irrecevable sa requête en contestation des résultats de l'élection des gouverneur et vice-gouverneur de la province du Maniema organisée le 28 mars 2018 par La Commission Électorale Nationale indépendante, CENI en sigle.

Dans sa requête en appel, l'appelant expose que, par celle déposée au greffe de la cour d'appel de Kindu, il avait saisi cette juridiction en contestation des résultats tels que publies par La Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI en sigle, dans sa décision n° 005/CENI/BUR/18 du 28 mars 2018 portant publication des résultats provisoires à l'élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs des Provinces du Kwango et du Maniema et qui avait proclame comme provisoirement élus Messieurs Tunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalema Josue, respectivement comme gouverneur et vice-gouverneur de La Province du Maniema.

II poursuivait ainsi l'invalidation des résultats du scrutin organise le 28 mars 2018 par la CENI motif pris de ce qu'au regard des pièces versées au dossier, il avait été preuve que, sur La liste des indépendants reprenant Messieurs Tunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalume Josue respectivement comme candidats gouverneur et vice-gouverneur de La Province du Maniema, le premier cite est chef coutumier dans le groupement de Dikungu, Territoire de Kibombo et qu'il est reconnu en cette qualité par Arrête ministériel n° 0194 du 09 novembre 2016.

II indique qu'en cette qualité d'autorité administrative d'une entité territoriale déconcentrée et en vertu de La loi fixant statut des chefs coutumiers qui confère expressément le statut d'agent de l'administration publique aux chefs coutumiers, Monsieur Tunda Kasongo Lukali Prosper était inéligible sur base de l'article 10 point 5 de La loi électorale, qui exige, pour les agents de I 'Etat qui présentent leur candidature, de produire une demande de mise en disponibilité.

II fait grief à la cour d'appel de Kindu d'avoir, pour un motif dépourvu de pertinence, déclare sa requête postulant l'invalidation des résultats obtenus par le candidat dont l'élection est contestée pour cause d'inéligibilité, irrecevable pour défaut de qualité dans le chef du secrétaire général qui a donne mandata l'avocat signataire de La requête.

II conclut au fondement de sa requête en appel et demande que l'arrêt entrepris soit infirme et statuant à nouveau, à titre principal, le premier intimé soit déclaré inéligible ; que soient annulées les voix attribuées à la liste des indépendants reprenant respectivement Messieurs Tunda Kasongo Lukali Prosper et Pataule Kalume Josue ; qu'il soit proclame élue la liste qui vient en ordre utile des suffrages obtenus, en l'espèce, celle comportant Messieurs Omolela Selemani Justin et Nyangilolo Museme Michel, respectivement comme gouverneur et vice-gouverneur de la province du Maniema. A titre purement subsidiaire, il postule que la Cour déclare le Chef Tunda Kasongo Lukali Prosper inéligible; annule le vote du 28 mars 2018 de l'élection des Gouverneur et Vice-gouverneur de La Province du Maniema et qu'il soit ordonne a La CENI d'organiser un nouveau scrutin pour cette Province.

En réplique, les premier et deuxième intimes affirment que Monsieur Tunda Kasongo Lukali Prosper est le fils de Monsieur Tunda, originaire du groupement Dikungu, chefferie des Ankutshu, territoire de Kibombo, province du Maniema et appartient à la famille régnante. Ils ajoutent qu'après la mort de son père, il a été désigné, en vertu de la coutume, chef du groupement Dikungu.

Ils poursuivent qu'en sa qualité de chef coutumier, Monsieur Tunda Kasongo Lukali Prosper avait été coopté comme député provincial laissant un intérimaire répondant au nom de Lukute Loshima suivant acte de désignation du 22 mai 2006.

Ils soutiennent qu'en sa qualité de Député provincial, le premier intimé a adhéré au parti politique PPRD où il a évolué activement et été accepte par l'appelant. Ils précisent que cet intimé s'était porte candidat Gouverneur à l'élection des Gouverneur et Vice-gouverneur intervenue en 2010 en rem placement du Gouverneur Didier Manara Linga qui venait d'être demis par l'assemblée provinciale du Maniema. lis indiquent que l'intéressé avait été retenu sur La liste des candidats PPRD avec comme colistier l'honorable Nsanda Buledi avec lequel ils avaient été amenés à désister en faveur de Monsieur Tutu Salumu Pascal qui fut élu gouverneur de province.

Ils signalent que, par lettre du 20 février 2018, Monsieur Tunda a démissionné du PPRD. Devenu ainsi libre et indépendant, ce dernier a déposé à la CENI sa candidature au poste de Gouverneur du Maniema. Ils précisent qu'a la même date, l'appelant avait écrit à la CENI pour solliciter son invalidation au motif qu'il n'avait pas démissionné du PPRD. Par décision n°003/CENI/BUR/18 du 02 mars 2018, la CENI avait déclaré irrecevable sa candidature. Ils font observer que sur requête de Monsieur Tunda, La cour d'appel de Kindu, par arrêt RCE 021/18 du mars 2018, avait ordonné à la CENI de retenir sa candidature.

Ils affirment que c'est à l'issue du scrutin organise par la CENI que le premier intime a été élu avec 16 voix sur 24 contre 7, 1 et 0 respectivement en faveur de la liste de l'appelant, des candidats indépendants Ojanga et Godefroid Mwanabwato. Ils indiquent que sur requête en contestation des résultats de l'appelant, La cour d'appel de Kindu, par arrêt déféré, l'a "rejetée" pour défaut de qualité dans le chef de Monsieur Aubin Minaku Ndjalandjoko qui n'a pas donné la preuve de sa nomination aux fonctions de secrétaire général de l'appelant.

In limine litis, les intimés soulèvent cinq exceptions portant sur l'incompétence de cette cour, l'absence des motifs d'appel, l'obscurité du libelle, l'inexistence juridique du regroupement politique dénommé Majorité Présidentielle, défaut de qualité et principe non bis in idem.

Quant à l'incompétence de cette Cour, les intimés, s'appuyant sur les articles 74 quinquies, alinéa 1er, 237 bis de La loi électorale et 223 de la Constitution du 18 février 2006, soutiennent que cette juridiction est saisie par une requête en appel contre l'arrêt RCE 026/18 rendu le 11 avril 2018 par La cour administrative d'appel de Kindu actuellement inexistante, bien que prévue. Ils infèrent que nulle part dans ses attributions, la Cour Suprême de Justice n'a reçu compétence de connaitre d'un appel d'une décision relevant d'une quelconque cour administrative d'appel qui n'est pas opérationnelle.

Cette exception est non fondée. En effet, les qualités de l'arrêt RCE 026/18 ici entrepris démontrent qu'il a été rendu par La cour d'appel de Kindu qui, quoique ne l'ayant pas dit expressément, exerce les attributions de la cour administrative d'appel conformément aux articles 154 de la loi organique n) 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l'ordre judicaire et 237 bis alinéa 1er de la Loi électorale. Par ailleurs, la procuration spéciale aux fins d'appel dans cette cause l'identifie clairement. II s'ensuit que les errements sémantiques ici dénoncés quant à la dénomination de la juridiction du premier degré n'affectent pas la compétence de cette Cour définie par les dispositions constitutionnelle et légales invoquées ci-avant.

S'agissant de l'irrecevabilité du présent appel tirée de l'absence des motifs, les intimés, se basant sur l'article 66 du Code de procédure civile, soulignent que l'appelant se limite à contester la première décision pour motif de mal juge sans indiquer les défaillances dans le dispositif de la décision attaquée. A leurs yeux, l'appelant présente des allégations du genre violation du principe de la foi due aux actes en ce que le premier juge n'aurait pas fait égard à son procès-verbal portant constat de nomination des membres du secrétariat dont l'honorable Aubin Minaku, procès-verbal pourtant notarié.

Cette exception n'est pas non plus fondée car en indiquant que l'appel est forme pour mal juge, cette expression couvre le grief global reproche à l'arrêt. Les ajouts tels que repris ci-avant par les intimés sont en réalité des éléments justificatifs de ce mal juge. Du reste la disposition légale invoquée ne concerne pas le motif d'appel mais plutôt la production de I' expédition régulière aux fins d'appel.

Concernant la fin de non-recevoir de l'appel tirée de l'absence de la procuration spéciale, les intimés, s'appuyant sur l'article 263 de la loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif, objectent que l'avocat ou les avocats comparaissant au nom de l'appelant n'ont produit aucune procuration spéciale leur conferant mandat d'interjeter appel contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Kindu. A ce sujet, ils relèvent que la procuration spéciale qui git au dossier est celle qui confie mandat aux Avocats Nkulu Kilombo, Urbain Mutuale Nkasa, Pepin Kwampuku Latur, Mathieu Kitanga Luanga et Paul Bondo Katumba aux fins d'interjeter appel contre l'arrêt RCE 026/18 du 11 avril 2018 rendu par La Cour d'appel de Kindu en matière de contentieux des résultats.

Cette fin de non-recevoir est non fondée pour les mêmes raisons développées en ce qui concerne l'incompétence de cette Cour.

Relativement à l'exception d'irrecevabilité de l'action sous RCE 026/18 tirée de l'obscurité du libellé, les intimés soutiennent que I' action de l'appelant est supposée porter sur la contestation des résultats provisoires de l'élection des Gouverneur et Vice-gouverneur tel qu'apparu dans son intitulé. Mais, objectent-ils, la lecture attentive de la requête semble renvoyer tantôt à l'annulation de l'élection, tantôt à l'invalidation de la candidature sans faire allusion à une quelconque irrégularité portant sur les résultats. Ils en infèrent qu'ils sont en difficulté d'assurer leur défense dès lors que l'objet et la nature exacte du présent contentieux concernent les résultats du scrutin.

Cette exception n'est pas fondée car les termes de la requête indiquent bien l'objet précis de la demande, en l'occurrence la contestation des résultats pour cause d'inéligibilités du premier intimé.

S'agissant de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité sous RCE 026/18, les intimés indiquent que le défaut de qualité tient non seulement dans le chef du signataire de la procuration spéciale, l'honorable Aubin Minaku Ndjalandkoko agissant pour le compte de l'appelant, mais aussi dans celui des avocats mandates.

S'appuyant sur l'article 18 de la charte de l'appelant, les intimés font observer que si le secrétaire général agit en justice pour le compte de l'appelant, ils soulignent que la formalité de nomination par l'autorité morale en cette qualité prévue par l'article 17 de la même charte n'a pas été accomplie. A leurs yeux, l'appelant n'ayant produit qu'un procès-verbal de constat de nomination signe par les membres du bureau politique, organe dont ne relève pas la nomination du secrétaire général. invoquant les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 8 de la même charte ils soulignent que la prétendue nomination, dont constat dans le procès-verbal prérappelé, n'a jamais été entérinée par l'autorité morale. Ils en déduisent que ledit procès-verbal relevant d'un organe incompétent comme preuve de nomination de l'Honorable Aubin Minaku ne peut pas être prise en compte.

Ils en infèrent que pour défaut de preuve de qualité dans le chef du signataire de la procuration spéciale, les avocats ayant agi en son nom l'ont fait sans qualité. Par ailleurs, les intimés considèrent que la procuration spéciale sous revue a donné un mandat restreint aux avocats se limitant à rédiger et introduire la requête en contestation des résultats provisoires devant la cour d'appel de Kindu. Ils estiment que les avocats concernés ont outrepassé leur mandat en comparaissant et en plaidant devant cette Cour alors qu'ils n'ont pas été requis pour défendre les intérêts de l'appelant.

Pris en ses deux branches, cette fin de non-recevoir n'est pas fondée. En effet, s'agissant des pouvoirs du signataire de la procuration spéciale, la Cour Suprême de Justice retient que la preuve de la nomination du secrétaire général de l'appelant résulte clairement du procès-verbal produit au dossier dont l'intitule couvre la réalité et l'effectivité de la nomination de cet organe par l'autorités morale de l'appelant conformément à l'article 17 de sa charte et dont La substance est le constat de cette nomination. II s'ensuit qu'en I' absence d'une contestation interne de l'autorités morale, cette nomination est suffisamment prouvée.

En plus, les avocats ayant introduit la requête sous RCE 026/18 et celle en appel sous REPA 028/18 ont valablement agi au nom de l'appelant. Contrairement à I' opinion des intimés, en vertu des articles 14 du Code de procédure civile, droit commun des procédures et 1er de l'Ordonnance-loi n° 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défendeurs judicaires et du corps des mandataires de l'Etat, les avocats porteurs des pièces de procédure comparaissent et représentent valablement les parties en justice.

Concernant La fin de non-recevoir tirée de l'inexistence juridique de l'appelant, les intimes soutiennent que celui-ci n'a pas produit l'arrête du ministre de la justice lui octroyant la personnalité juridique.

La cour dit non fondée cette fin de non-recevoir car I' exposé des motifs de La Loi no 04/002 du 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques, les regroupements politiques sont exclus du champ d'application de la Loi précitée. Elle retient que le législateur justifie cette absence de formalisme par le fait que ces regroupements ne sont, en réalité, que des associations ou des coalitions momentanées formes au gré de la conjoncture politique, parfois sur base d'un simple accord. Il ajoute que leur vie est, par essence, de plus précaires et il ne convient pas, par conséquent, de les assujettir à un formalisme excessif et rigide au risque de les vider de-leur pertinence ;

Dès lors, pour son existence juridique, le regroupement politique n'est pas soumis à la formalité d'enregistrement.

Le juge électoral peut donc valablement se fonder sur la liste des regroupements politiques dressés par le Ministre de l'intérieur car, aux termes de l'article 14 de la Loi électorale, la Commission Electorale Nationale indépendante et l'autorité administrative compétente, sont immédiatement informées de la création d'un regroupement politique.

Dans le cas sous examen, il ressort de la pièce cotée 52 à 69, intitulée " liste des regroupements et les partis politiques-composants mars 2015 » émanant du Ministère de l'intérieur et Sécurité, cabinet du Vice-Premier ministre, à la page 13, que l'appelant y est repris avec « Hon. Aubin Minaku » comme coordonnateur. La Cour dit que ce dernier est reconnu ainsi comme étant le représentant attitré de l'appelant.

Quant à l'irrecevabilité de !'action tirée de la maxime "Non bis in idem", les intimés indiquent que la Cour d'appel de Kindu avait déjà donné sa position pour les mêmes faits et entre les mêmes parties.

La cour dit également non fondée cette exception motif pris de ce qu'elle est saisie par le recours de l'appelant en contestation des résultats provisoires proclames par la CENI, lequel recours emporte avec lui effet dévolutif.

Abordant le fond, les intimés concluent au non fondement de l'action de l'appelant pour non application de l'article 110 de la Constitution dans le cas d' espèce d'une part et pour mauvaise interprétation des dispositions de l'article 10, point 5 de la Loi électorale.

Relativement à l'article 110 de la Constitution, les intimés affirment que la perte de mandat de député national ou de sénateur pour cause d'inéligibilité constatée ultérieurement par l'autorité judicaire compétente ne s'applique pas pour les gouverneurs de province, d'autant que les dispositions de l'article 198 de cette même Constitution ne se référent pas à I' article 110 précité.

Pour eux, le cas d'inéligibilité évoqué audit article ne devra pas être d'application au gouverneur élu qui n'est ni député national ni sénateur.

Quant à la mauvaise interprétation des dispositions de l'article 10, point 5 de la Loi électorale, les intimés soutiennent que le chef coutumier n'est pas "un agent du service public de l'Etat", lequel est régi par La loi n°16/016 du 15 juillet 2016 portant statut de agents de carrière des services publics de l'Etat. Pareil agent, disent-ils, fait carrière, est recruté et nommé à un grade pour occuper un emploi budgétaire vacant et affecte auprès d'une autorité-hiérarchique.

Ils font observer qu'à son article 108, points 5 et 6, la Constitution fait une nette distinction s'agissant des incompatibilités. Ils font également remarquer que Monsieur Tunda, après sa cooptation comme député provincial depuis 2007 siégeant a Kindu, qui a, pour cause d'absence prolongée et in tempore non suspecto, laissé l'interim à Monsieur Lukute Lushima, conformément à l'article 11 de la loi portant statut des chefs coutumiers, ne peut être considéré comme agent des services publics de I 'Etat.

Enfin, ils rappellent qu'en 2010, le premier intimé avait postulé comme candidat gouverneur en remplacement de Monsieur Didier Manara Linga et avait écrit sa demande de mise en disponibilité avec accuse de réception. Ils précisent que le directeur de province de l'époque avait pris acte par écrit de sa demande, de sorte que rien ne pourrait à ce jour l'empêcher de postuler et de se faire élire comme Gouverneur de Province.

Ils concluent en demandant à cette cour de les proclamer élus comme respectivement Gouverneur et Vice-gouverneur de La Province du Maniema.

Intervenant à titre d'expert, La CENI s'est référée à la sagesse de cette cour, soulignant qu'à son niveau elle avait déclaré irrecevable la liste des intimés.

Par rejet des moyens des intimes pour leur manque de pertinence, la Cour Suprême de Justice note que les articles 108 point 6 de La Constitution et 77 de la loi électorale telle modifiée par la Loi n° 11/003 du 25 juin 2011 et celle n° 15/001 du 12 février 2015 édictent que les fonctions électives provinciales, urbaines, communales et rurales ou mandats sont incompatibles avec les fonctions de cadre politico-administratif de la territoriale, à l'exception des chefs de chefferie et des chefs de groupement.

II en résulte que les fonctions électives sont en principe incompatibles avec celles de cadre politico-administratif, mais le législateur a souverainement admis que les chefs de chefferie et les chefs de groupement dérogent à la régie, donc au principe.

Cependant, le législateur a pris le soin d'en fixer les contours car ladite dérogation obéit à un principe, celui de la cooptation. En effet, le législateur, tenant compte de certaines situations particulières dans certaines circonscriptions ne pouvait réunir les conditions pour être représentées, a préconisé la cooptation.

La cooptation est un mode démocratique de dérogation pour créer l'équilibre de représentation au niveau de certaines entités territoriales.

Elle constate que le législateur, en utilisant cette dérogation, a en même temps prévu un mécanisme légal, permettant aux chefs de chefferie ou de groupement, d'accéder à la fonction élective au niveau de l'assemblée provinciale sans passer par le vote. Ce mécanisme est celui de la cooptation.

C'est ainsi que Monsieur Tunda Kasongo Lukali Prosper, le premier intime, sans être élu comme l'ont été les autres Députés provinciaux, a été désigné par cooptation à I 'Assemblée provinciale de La Province du Maniema ou il siège en qualité de député.

Si la cooptation. est un mécanisme choisi expressis verbis par le législateur permettant au chef de groupement d'accéder exceptionnellement aux fonctions électives, il appert qu'un mécanisme similaire fait défaut au sujet des fonctions électives au poste de Gouverneur et de Vice-gouverneur de Province. En effet, le législateur n'ayant pas prévu de mécanisme dérogatoire à ce niveau, le chef de groupement qui postule pour être élu gouverneur, comme en l'espèce, retombe dans le régime de droit commun qui régit le cadre politico-administratif, en l'occurrence le statut des agents des services publics de l'Etat et celui des chefs coutumiers ainsi que d'autres textes particuliers y afférents.

L'article 27 de la Loi organique n° 08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et au fonctionnement des entités territoriales décentralisées. et leurs rapports avec I 'Etat et les Provinces, précise que le Groupement est dirigé par un Chef de Groupement place sous l'Autorité administrative du Chef de Secteur, du Chef de Chefferie ou du Bourgmestre, selon le cas. De son coté, l'article 28 renchérit que le Chef de Groupement est reconnu par Arrêté du Ministre de la République ayant les affaires intérieures dans ses attributions.

De ces dispositions légales, la cour retient qu'il apparait nettement qu'en dehors de la cooptation pour exercer les fonctions électives par dérogation légale, le chef de chefferie et le chef de groupement sont assimilés aux fonctionnaires de l'Etat ayant droit à une rémunération décente (art.19, statut des chefs coutumiers), bénéficiant des avantages (art.20, statut des chefs coutumiers) et soumis au régime disciplinaire (art.30 à 34, statut des chefs coutumiers).

Par ailleurs, elle note que l'article 29 alinéa 1 point 7 du statut des chefs coutumiers dispose que, sans préjudice des dispositions de l'article 108 point 6 de la Constitution, la fonction de chef coutumier est incompatible avec celle de membre du collège exécutif d'une entité territoriale décentralisée.

La Cour Suprême de Justice dit que cette disposition atteste assurément qu'en dehors de la cooptation, il n'y a pas une dérogation pouvant rendre le chef de groupement apte à devenir membre du collège exécutif.

En pareil cas, comme pour tout fonctionnaire ou assimilé, il a la latitude de solliciter probablement une mise en disponibilité.

Ne l'ayant pas fait pour le scrutin dont contestation des résultats, alors qu'il l'avait fait en 2010 lors de l'élection organisée à la tête de la même province, le premier intimé qui est chef coutumier officiellement reconnu et coopté député provincial en cette qualité, tombe sous le coup d'inéligibilité et partant la requête en appel de l'appelant sera dite recevable et fondée. En conséquence, elle reformera l'œuvre du premier juge dans toutes ses dispositions, annulera le vote du 28 mars 2018 et ordonnera à la CENI d'organiser un autre scrutin.

C'est pourquoi,

La Cour Suprême de Justice, siégeant comme Conseil d'Etat, en matière de contentieux électoral ;

Le Ministère public entendu ;

Dit recevables mais non fondées toutes les exceptions soulevées par les intimés ;

Reçoit l'appel et le dit fondé ;

En conséquence, infirme l'arrêt entrepris dans toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau, dit recevable et fondée la requête originaire de l'appelant;

En conséquence,

Dit que Monsieur Tunda Kasonga Lukali Prosper, Chef de Groupement, est inéligible ;

Annule le scrutin du 28 mars 2018 ;

Ordonne à la Commission Électorale Nationale indépendante d'organiser un nouveau scrutin pour l'élection des Gouverneur et Vice-gouverneur de la Province du Maniema ;

Dit qu'il n'y a pas lieu à paiement des frais d'instance ;

La cour a ainsi jugé et prononcé à I' audience publique du 20 avril 2018 à laquelle ont siégé les magistrats : Ubulu Pungu Jean, President de chambre, Mukengule Muderhwa Dieudonne et Mukendi Musanga DavidChristophe, conseillers ; avec le concours du Ministere public représenté par l'avocat général de la République Mikobi Minga Bernard et l'assistance de Monsieur Andre Mukumbi, Greffier du siège.

Le Président de chambre

Ubulu Pungu Jean Dieudonne

Les Conseillers,

Mukengule Muderhwa

Mukendi Musanga David-Christophe


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