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COUR SUPREME DE JUSTICE

SECTION JUDICIAIRE – MATIERE REPRESSIVE, CHAMBRES REUNIES

 

Audience publique du mardi 30  juillet 1985

 

ARRET (R.P. 27/CR)

 

En cause :  MINISTERE PUBLIC

 

Contre               : BX

 

            Revu les arrêts rendus le 28 mai et  le 3 juin 1985 ;

 

            Le prévenu BX, Commissaire du peuple, est poursuivi devant la Cour suprême de justice, sur base de l’ordonnance-loi n°78/001 du 24 janvier 1978 relative à la répression des infractions flagrantes, pour avoir, à Kise, localité de ce nom, collectivité de Bwito, zone de Rutshuru, sous-région du Nord-Kivu, région du Kivu, commis un meurtre sur la personne du citoyen KK.

 

Il ressort du dossier que le 5 mai 1985, les éléments de la J.M.P.R. qui réclamaient les acquis des taxes sur les vélos se heurtèrent au public et joueurs de football dans la localité de Kabanda. Suite à l’assaut de la population qui ne fut maîtrisée ni par les gardes du parc national de Virunga, ni par ces mêmes éléments de la J.M.P.R., les émeutes gagnèrent Kibirizi, localité située à 10 km de Kise, lieu des faits où le prévenu a une résidence privée. Il résulte également du dossier que c’est de cette localité que le prévenu a envoyé son véhicule pour chercher les représentants de la population pour pouvoir dialoguer avec eux. Mais cette population refusa d’accéder à cette démarche et résolut le 6 mai 1985 de se rendre à Kise afin de rencontrer le prévenu. Ainsi, une foule estimée à 200 personnes arriva à Kise et s’arrêta à 300 m environ de la résidence du Mwami. Averti des intentions de la foule, ce dernier paniqua et décida de quitter la localité avec ses trois véhicules pour tenter de gagner Goma. Il ordonna aux chauffeurs de foncer à vive allure, de se frayer de force le passage, même s’il fallait écraser quelqu’un. Il prit place à bord d’une jeep de marque Niva Lada qui, selon les données du dossier, roulait en deuxième position. Au passage de ce véhicule, un coup de feu fut entendu et le citoyen KKA fut atteint par deux balles, l’une à la hanche  du côté droit et l’autre au bas-ventre. Conduit à Kibirizi, K reçut des soins de l’assistant médical du dispensaire d’Etat, le nommé MU K, mais il succomba le lendemain. L’assistant médical réussit à extraire la balle qui avait atteint la victime à la hanche, l’autre étant difficile à trouver.  C’est ainsi que le Ministère public poursuit le prévenu du chef de meurtre.

 

Après lecture de son rapport de mission et l’analyse détaillée des éléments recueillis lors de son enquête, le Ministère public conclut à la culpabilité du prévenu. Il se fonde essentiellement sur les témoignages de K, M. et B., respectivement sentinelle, domestique et chauffeur du prévenu, ainsi sur les dernières paroles de la victime confiées à l’assistant médical. Il s’appuie également sur les dépositions des officiers des Forces Armées Zaïroises spécialisées en balles et tir, ainsi que sur celles du médecin légiste, toutes faites au cours des audiences de la Cour. Ainsi, il affirme que, contrairement à la thèse du prévenu, la victime est connue et bien identifiée, que les faits infractionnels ont été perpétrés le 6 mai 1985 à Kise, que la balle extraite est identique à celles contenues dans les cartouches ramassées sur le lieu du crime, l’arme étant un revolver G.P. 9 mm. Ecartant pour les autres occupants du véhicule Niva la possibilité de tirer, il en déduit que seul B. est l’auteur de ce meurtre pour lequel il dit les éléments constitutifs réunis et requiert pour le prévenu sa condamnation à la peine capitale.

 

Dans sa défense, assurée tant par lui-même que par ses avocats, le prévenu, contestant tous les témoignages sur lesquels se base le Ministère public, nie la matérialité des faits à lui imputés. Il soutient, en effet, que l’arme du crime n’est pas connue, le Ministère public ne l’ayant jamais saisie et présentée aux débats. Critiquant la carte d’identité et la photo de la victime produites à l’audience, documents qui, selon lui, ne reflètent  aucune authenticité  et qui seraient faits pour les besoins de la cause, il conclut, en l’absence d’un certificat de constat du corps ou de l’exhumation du cadavre, à l’inexistence de cet élément matériel, le tireur n’ayant pas visé une personne déterminée comme l’exige la doctrine, mais ayant plutôt tiré dans la foule. Il sollicite son acquittement pur et simple et ajoute que si, par impossible, la Cour estimait que le prévenu est l’auteur de ce crime, elle devrait considérer qu’il a agi dans le cas de légitime défense étant donné qu’il fut agressé, menacé et n’avait pas une autre issue.

 

Interrogé par la Cour, le prévenu avait soutenu d’abord que la victime avait été tuée le 5 mai 1985 par les gardes du parc national lors des émeutes de Kabanda et Kibirizi, pour ensuite prétendre que le meurtrier est N. Il a produit, pour étayer cette dernière thèse, une lettre à lui adressée le 25 mai 1985 par le vice-président du comité de base, informé par un certain KI.L de Kise. Le prévenu qui avait cependant reconnu au cours des débats antérieurs qu’il possédait deux fusils calibre 12 et qu’il avait un rôle important à jouer dans la protection des fauves contre le braconnage, a toujours nié avoir possédé un revolver et l’avoir utilisé lors des événements de Kise.

 

Appréciant souverainement les circonstances de fait et les éléments de la cause, la Cour suprême de justice ne peut suivre le raisonnement du prévenu. En effet, les dénégations de ce dernier sont faites pour se disculper, mais elles sont démenties par les témoignages de ses ouvriers ainsi que par les éléments du dossier contenus tant dans les procès-verbaux que dans les différents rapports d’enquête. En effet, la Cour relève qu’en ce qui concerne l’arme utilisée et l’auteur du crime, il y a lieu de faire foi aux témoignages de M.et de KI.qui ont déclaré librement, lors des différents interrogatoires, que leur maître possédait un petit fusil qu’il portait en poche (mufuku). Leurs témoignages sont d’autant plus vrais que ces personnes sont proches du prévenu et que, n’étant pas ses ennemis, elles n’avaient aucun intérêt à l’accuser faussement. Il faut joindre à ces témoignages les dernières paroles de la victime prononcée au dispensaire de Kibirizi selon lesquelles Mwami l’avait blessé et la déposition du chauffeur du prévenu qui rapporte qu’arrivées à Somikivu, leur chef a demandé s’ils avaient entendu un coup de fusil. Les dépositions des officiers des Forces Armées Zaïroises, spécialistes en balles et en tir, faites à l’audience du 27 juillet 1985, affirment que la balle extraite est identique à celles des deux cartouches ramassées sur le lieu (devant la résidence du prévenu), laissent croire que le prévenu qui s’est préparé à aller braver la foule, a dû, dans ces circonstances, utiliser un revolver figurant dans la gamme de ceux pour lesquels on utilise les balles de 9 mm, peu importe son nom.

 

La Cour estime donc que le fait que l’arme du crime (revolver) n’a pas été saisie ne disculpe pas le prévenu dès lors que les témoignages concordants et les éléments du dossier concourent à la détention par le prévenu d’un revolver dont il a fait usage. Est donc à écarter la thèse incriminant NGABI, ce dernier entendu sur procès-verbal ayant reconnu avoir fait détonner un flash qu’il a actionné pour intimider ses agresseurs. Du reste, l’informateur KIBIRA n’existe pas à Kise. Sont également à écarter les suppositions selon lesquelles le coup aurait été tiré par l’un des autres trois occupants du véhicule à bord duquel se trouvait le prévenu. En effet, seul ce dernier était recherché par la foule. Croyant donc qu’il était menacé, il a dû se préparer à faire face à l’attaque éventuelle de la population. Il convient aussi de constater que la victime est tombée du côté où se trouvait le prévenu, c’est-à-dire à l’opposé du chauffeur.

 

En ce qui concerne le corps du délit, la Cour constate que, nonobstant l’inexistence d’un certificat d’exhumation, l’identité relevée par tous les enquêteurs reste la même et concerne un même individu. Il faut donc en conclure que le corps du délit existe.

 

La Cour suprême de justice relève que le dol spécial, la volonté de commettre un acte prohibé est réalisée dans le cas d’espèce par le fait que le prévenu a tiré sciemment un coup de feu à travers la foule, sachant que ce coup pouvait donner la mort, peu importe le fait qu’il n’a pas visé une personne déterminée. La Cour constate que la partie atteinte, c’est-à-dire le bas-ventre, est bien délicate et ne peut résister à une balle. Du reste, le rapport médical appuyé par la déposition du médecin légiste conclut à la mort par perforation de l’intestin.

           

De tout ce qui précède, il faut dire les éléments constitutifs de l’infraction de meurtre réunis dans le chef du prévenu BU.. La Cour dit que l’espèce sous examen ne constitue pas un cas de légitime défense. En effet, le prévenu qui a cru à tort être dans ce cas alors que ses conditions d’existence n’étaient pas réunies, a utilisé un moyen disproportionnel à ceux utilisés par la foule.

 

Dans l’application de la peine, la Cour tiendra compte du fait que le prévenu est un délinquant primaire, qu’il n’a pas d’antécédent judiciaire connu, qu’il est père de famille nombreuse forte de 25 enfants et qu’il a rendu de nombreux services à la nation.

 

C’est pourquoi,

 

La Cour suprême de justice, section judiciaire, toutes chambres réunies siégeant en matière répressive, en premier et dernier ressort ;

 

Vu l’ordonnance-loi n°82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour suprême de justice, spécialement ses articles 106 et 113 ;

 

Vu le code pénal, livre II, spécialement ses articles 44 et 45 tels que modifiés par l’ordonnance-loi n°068/193 du 3 mai 1968 ;

 

Vu le code de procédure pénale ;

               

Vu l’ordonnance-loi n°78/001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions flagrantes ;

 

Le Ministère public entendu en ses réquisitions ;

 

Dit établie l’infraction de meurtre mise à la charge du prévenu BX ;

 

Condamne de ce chef, eu égard aux circonstances atténantes retenues dans la motivation à la peine de dix ans de servitude pénale.

 

            De crainte que le condamné ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine, ordonne son arrestation immédiate ;

 

            Condamne en outre aux frais d’instance taxés en totalité à la somme de ZAIRES MILLE SEPT CENTS QUATRE-VINGT-DOUZE (Z.1.792,00).

 

            La Cour a ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du mardi trente juillet mil neuf cent quatre-vingt-cinq à laquelle siégeaient les citoyens : OKITAKULA DJAMBAKOTE, Président ; MBUINGA-VUBU, TSHIBANGU MUKABA, KABAMBA PENGE et MAKAY NGWEY, conseillers, avec le concours du Ministère public représenté par l’Avocat général de la République NKONGOLO TSHILENGU, et l’assistance de la citoyenne NSONI LUTIETU, greffier du siège.

 

 


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